L’ère des milliardaires

Etrange conjonction de l’achat de Twitter par un milliardaire visiblement dépassé par son geste et du dérapage de l’animateur phare du populisme télévisuel, brusquement hostile face à un jeune député invité sur le plateau de TPMP. Tout sépare Elon Musk et Cyril Hanouna – pourtant, un drôle d’air de famille semble relier ces deux situations disparates, réunies à la fois par l’explosion d’une brutalité sans frein et par le dévoilement de la prise de contrôle de notre monde par les milliardaires.

Même si l’acquisition de Twitter pour 44 milliards de dollars risque de modifier le classement, celui qui est aujourd’hui l’homme le plus riche du monde semble prendre un malin plaisir à casser le jouet préféré du personnel politique et médiatique. L’effondrement probable du plus influent des réseaux sociaux s’effectue en direct, ponctué par les décisions contradictoires de l’énergumène, mais aussi par des punitions immédiates, comme le licenciement abrupt d’un employé qui a eu le tort de répondre à une question du patron. La brutalité sidérante de ces arbitrages publics est saluée sur le réseau social par une clique d’enthousiastes qui trouvent bien normal que le maître dicte sa loi.

Employé du milliardaire Bolloré, Hanouna fait partie de cette catégorie d’admirateurs fiers de suivre le sillage du plus fort, assurant par le mimétisme des nouveaux comportements sa place au paradis des brutes. On a bien entendu les reproches de déloyauté adressés à l’ancien chroniqueur Louis Boyard. Pour l’animateur, il n’est pire crime que de mordre la main de celui qui le nourrit. C’est la même règle mafieuse qui s’applique aux courtisans dont il s’entoure, et qui est l’un des sujets de blague les plus constants de l’émission: je te paie, alors tu joues le jeu. A peine caché sous l’ambiance bon enfant, le fric est l’instrument du pouvoir et l’outil de la soumission. Le tort de Louis Boyard n’est pas seulement d’avoir oublié qui est le boss, mais de militer dans un parti qui réclame des droits pour les travailleurs. Grave erreur. «A qui a-t-il donné du travail?» demande Hanouna à propos de Boyard, suggérant que la dépendance économique donne tous les droits à celui qui l’impose.

Cette soudaine mise en lumière de la violence nue de la domination constitue-t-elle une menace pour le business? Sur Twitter comme ailleurs, la fuite des annonceurs, effrayés par le spectacle de la fureur, gratte un peu à l’entrejambe. Mais on voit bien que la conviction qui anime les propriétaires du monde, c’est qu’à partir d’un certain nombre de zéros, il n’y a plus de problème qui ne puisse se résoudre, ni plus personne pour les empêcher d’en jouir. Bienvenue dans l’ère des milliardaires!

4 réflexions au sujet de « L’ère des milliardaires »

  1. Cyril Hanouna ou Vincent Bolloré sont des « milliardaires » aux petits pieds par rapport à l’homme de Tesla, de Space X… et maintenant de Twitter.

    Le « Guignol’s band » donné par l’animateur de « TPMP » sur C8, cette télé populiste, réac à tous crins, n’avait qu’un seul but : faire grimper l’audience – les derniers chiffres, 700 000 téléspectateurs pour hier soir concernant « C’à vous » – révèlent les choix du « public » de la télé à l’ancienne mode et il a pu se vanter d’un autre score sans honte ni remords de fond.

    Quand les médias seront enfin en « pilotage automatique » (comme les bagnoles « autonomes » – voir un excellent article ce jour du New York Times sur la conduite d’un de ces engins signés Elon Musk), toute parole divergente ou critique sera éliminée, par « l’intelligence artificielle », avant même qu’elle ait pu sortir de la bouche d’un intervenant, même s’il avait auparavant dûment participé en tant que « chroniqueur » de ce système de bourrage de crâne d’extrême droite. :-)

  2. C’est pas les media c’est nous qui sommes en pilotage automatique, et le glaçant Yuval Noah Harari le reconnait déjà officiellement à Davos. Meta, Google etc. sont ivres de leur pouvoir, sont dans une relation ambigüe avec les militaires (on n’est pas si sûr de savoir qui aura le dernier mot en cas de malentendu) mais tout le monde est d’accord pour renforcer encore leur pouvoir, en éduquant dès l’école les enfants et les jeunes à s’exercer à l’art de la propagande…

    https://theconversation.com/now-theres-a-game-you-can-play-to-vaccinate-yourself-against-fake-news-92074

    https://www.rt.com/news/566787-fake-news-disinformation-game/

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