Compte rendu des séminaires 2016-2017

Illustration Rocanin-Borraz, juillet 2017.

La session 2016-2017 des séminaires “Le récit des images” et “Culture Visuelle” a permis de formaliser un ensemble de réponses aux questions ouvertes en 2009 par l’enquête sur les pratiques visuelles ordinaires. Sur le plan méthodologique, la principale source des observations a été fournie par des faits de réception, dont la collecte a été assurée par des relevés effectués au jour le jour sur mes carnets de recherche, et qui ont permis de disposer d’un vaste éventail, non d’images isolées, mais de cas documentés de réactions ou d’interprétations de formes visuelles en contexte.

Plutôt que de vérifier la transparence des images, l’analyse de ces cas suggère que l’information visuelle, non hiérarchisée, est difficile à interpréter en l’absence d’indications ou de présupposés qui en guident la lecture. Définies comme articulées à un récit préexistant, les images sociales ne doivent leur lisibilité qu’à leur intégration au sein de dispositifs polyphoniques où elles jouent le rôle de formes redondantes, à la manière de l’accompagnement expressif des échanges verbaux. Le leçon de ce constat est que l’analyse doit porter, non sur les images seules, mais bien sur ces dispositifs.

Système d’organisation du sens, le récit apporte à la lecture de l’image la hiérarchisation qui lui fait structurellement défaut. En retour, la forme visuelle apporte à la narration les bénéfices de la réification, de l’exemplification et de la naturalisation.

Mis à part les récits et contextes associés aux images, première source de leur intelligibilité, on peut observer, chez les producteurs comme chez les destinataires, un réemploi des informations d’apparence utilisées dans le monde social, en particulier les codes non verbaux de l’interaction, comme les indications expressives faciales et posturales ou la géométrie interactionnelle, qui précisent le sens de l’action.

L’invisibilité de cette herméneutique «naturelle» fait volontiers passer l’image réaliste pour un «message sans code» (Barthes), alors même que l’adaptation de la grammaire de l’interaction à l’espace iconographique suppose une élaboration et de nouvelles conventions. Ces observations ont été présentées à l’université de Genève et ont fait l’objet d’un article de synthèse dans la Revue française des méthodes visuelles.

Une part importante de l’enquête a porté sur les formes visuelles de la narration, en particulier les cas de réification implicite (exemple de l’imagerie des dinosaures, développé dans le cadre du séminaire du CEHTA, ou des images de reconstitution historique, discuté en conclusion du colloque “Visions de l’histoire, l’écriture visuelle du temps” au Collège de France), d’archéologie des récits (exemple de l’introduction de l’expressivité dans le portrait, également présenté dans le séminaire “L’image sociale” de Barbara Carnevali), ou encore de lecture paradoxale (cas de la photographie du meurtre de l’ambassadeur, prix World Press Photo 2017). Ces études de cas ont fait l’objet de notes détaillées sur le carnet de recherches L’image sociale.

Parmi les hypothèses développées à partir de cet examen, il faut retenir celle du caractère heuristique de l’articulation du réalisme et de la caricature, celle de la normativité des caractères accessoires dans la fiction (ou «effet de réel»), qui fait office de filtre conventionnel, ou encore celle des degrés de réalisme et des modèles non-fictionnels (également présentée dans le séminaire “Fiction, média, croyance” à l’université Paris-Ouest). Ces questions seront reprises dans le cadre de mon séminaire “Image et fiction” proposé en 2017-2018.

 

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