Distracted Boyfriend, ou la critique du stéréotype

Photo Antonio Guillem, 2015.

Le mème «Distracted Boyfriend» (décrit sur Knowyourmeme et auquel je consacre ma chronique pour Arrêt sur images), qui a sévi à la fin de l’été, mérite qu’on s’y attarde. Reprise tardive d’une photo de stock de 2015, il ne s’agit pas, comme souvent, d’une réaction à l’actualité par le biais d’un détournement d’image, mais d’un pur jeu au second degré sur l’exercice de recontextualisation lui-même: une sorte de mème au carré.

La source de l’image est originale. Il est en effet assez rare qu’un mème s’appuie sur le matériel a priori pauvre des photos de stock, images industrielles destinées à des usages d’illustration low cost. Mais c’est bien cette particularité qui explique le tour pris par le jeu participatif. Le caractère normatif des stéréotypes véhiculés par la photo de stock est de plus en plus souvent interrogé d’un point de vue analytique, en considérant cette iconographie comme représentative des schémas en vogue (voir: «From Sex Object to Gritty Woman: The Evolution of Women in Stock Photos»).

En exploitant le caractère d’épure narrative de la version stock du triangle amoureux, le mème joue à déplacer sur les terrains les plus improbables l’antithèse du désir et du devoir, manifestant sa dimension de poncif. C’est donc à une véritable critique du stéréotype que nous font assister les détournements de Distracted Boyfriend – exercice analogue à la démonstration jadis proposée par Pierre Desproges avec les recontextualisations multiples de l’empereur Maximilien.

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