Le problème avec Johnny

Phénomène de saturation de l’ensemble des canaux médiatiques, la mort de Johnny présente la rare particularité d’avoir été anticipée par deux chansons (Eric la Blanche, La Mort à Johnny, 2006; les Fatals Picards, Le jour de la mort de Johnny, 2009), qui soulignent le caractère prévisible d’une exploitation opportuniste de l’émotion populaire, sous la forme d’un deuil collectif imposé à la nation toute entière.

Peu après le mouvement de dénonciation des violences faites aux femmes, qui a magistralement incarné la puissance de mobilisation du débat public, imposant à chacun de prendre parti dans un espace fortement polarisé par l’exercice de la controverse, le deuil médiatique, construit lui aussi par la multiplication des témoignages et des signes de la participation, illustre la dynamique opposée d’un consensus qui éteint toute polémique, comparable à la gestion de l’émotion collective après les attentats terroristes de 2015.

Dans le cas de Johnny, l’imposition d’une communion étendue à toute la nation pose pourtant problème. Car Johnny a été une vedette paradoxale, représentant précoce de l’adaptation française du vaste mouvement anglo-américain visant à incarner une culture alternative de la jeunesse par le biais des musiques populaires, qui culminera dans la contestation de la guerre du Vietnam en 1968-1969. Pays de forte tradition chansonnière, la France n’a jamais réussi à produire que de pâles copies de la légende pop-rock, et la carrière toute entière de Johnny, écartelée entre des références vestimentaires, musicales ou vocales made in USA et son insuccès dans l’univers anglophone, illustre jusqu’à la caricature le destin folklorique d’une imitation impulsée par le commerce.

Celui qui n’était plus depuis longtemps l’idole des jeunes, et qui n’avait plus qu’un rapport de façade avec le rock, depuis son retour dans le giron de la variété française, a également la particularité d’être nettement marqué à droite. Entre ses déclarations, ses amitiés affichées avec Chirac ou Giscard, ou encore son soutien à Nicolas Sarkozy en 2007, la prise de parti de la star, qui tranche avec l’héritage contre-culturel de la pop, fait de Johnny une personnalité clivante, comme le confirme un sondage récent selon lequel, si le chanteur n’est apprécié que par 25% des sympathisants de gauche, il totalise en revanche 58% d’adhésion des sympathisants de droite.

Un marquage que l’on retrouve dans l’éventail des hommages, et jusque dans la dénonciation par le journaliste conservateur Jean-Michel Aphatie du défaut de sensibilité du responsable de gauche Jean-Luc Mélenchon: «Sur Johnny Hallyday, Jean-Luc Mélenchon a dit: “Je n’ai rien à dire”. Comment un leader politique peut-il à ce point passer à côté d’une émotion collective, sincère d’un peuple que l’on prétend incarner? Dans son cas, on peut parler d’une faute professionnelle».

La circonstance du décès du chanteur rend évidemment inaudible une réception moins enthousiaste de la caricature vocale, expressive et scénique à quoi se limitait l’art de Johnny Hallyday, réduit à une série de stéréotypes figés du mâle alpha, magnifié par la théâtralité narcissique du spectacle pop.

Le deuil impose la communauté de l’hommage. Bien anticipée dans la chanson d’Eric la Blanche («il n’y a que les mauvais Français qui n’aiment pas Johnny»), l’injonction républicaine en forme de chantage à l’émotion ressemble comme deux gouttes d’eau à la communion forcée de l’après-Charlie. Dans un pays qui penche tellement à droite qu’on a pu lui faire croire que Macron était de gauche, l’imposition médiatique d’un deuil faussement consensuel et la métamorphose de Johnny en symbole national n’est finalement qu’un signe de plus de la longue glissade de la France sur la pente du conservatisme et de la réaction.

24 réflexions au sujet de « Le problème avec Johnny »

  1. L’énorme battage médiatique dont est victime (oui) Johnny Hallyday n’est évidemment pas innocent. La remarque « apathique » d’un journaliste démago n’en est qu’un minuscule signe.

    Ceci dit, cela n’enlève rien au souvenir de quelques chansons de « l’idole » ou du « héros » selon Macron, qu’a fort bien analysé ce matin Laurent Joffrin dans « Libé ».

    Quand Aznavour passera l’arme à gauche (si l’on peut dire), qu’est-ce que le chef de l’État va pouvoir se faire dicter par ses « conseillers » ? Transfert du chanteur en Arménie par Airbus tricolore encadré par la Patrouille de France ?

  2. Je partage l’analyse développée dans cette chronique, exception faite du rapprochement appuyé entre l’actuelle injonction d’un hommage républicain et les expressions de l’émotion collective post attentats de 2015 « je suis Charlie etc. ». Le battage médiatique outrancier (bien anticipé il est vrai) autour de la mort de Johnny est beaucoup moins consensuel que les expressions cathartiques plus ou moins spontanées consécutives aux tueries de 2015. (le dessin irrévérencieux de Xavier Gorce dans la check-list du Monde l’illustre excellemment).

    Autre bémol :
    « Dans un pays qui penche tellement à droite qu’on a pu lui faire croire que Macron était de gauche »

    Assertion discutable me semble-t-il, nombre d’électeurs « de gauche » ayant voté Macron moins par conviction que pour épargner au pays une aventure épouvantable avec qui l’on sait. La jeunesse de Macron, son « parler-vrai » (hum…), et, quelque part, son non conformisme assumé (âge de son épouse) ont pu répondre au besoin de renouvellement du personnel politique. Enfin, le glissement vers le conservatisme n’est pas propre à la France, à l’heure de la déconstruction de tout l’édifice institutionnel d’inspiration humaniste (formulation approximative).

  3. @Dominique Hasselman: A noter que Libération, qui fait mine aujourd’hui de se demander si « on n’en fait pas un peu trop », a largement contribué à alimenter l’hystérie, et en est déjà à sa deuxième Une nécrologique…

    @Gilles Granger: Vous pouvez vous reporter à la discussion enregistrée sous mon billet de l’époque (lien ci-dessus) pour vous convaincre que la participation à la communion post-Charlie fut tout aussi injonctive, et son refus tout aussi disqualifiant. Les deux événements n’ayant en commun que l’échelle nationale, il est assez inquiétant de constater à quel point cette mobilisation symbolique fonctionne comme un outil pour reconnaître les siens…

    Quant à Macron, ma formule est évidemment polémique, cela dit, elle ne renvoie pas seulement à ses électeurs de gauche, mais concerne aussi l’électorat de droite. Et vous avez malheureusement raison, le glissement est bel et bien général – ce qui n’est pas une raison pour omettre de noter ses étapes franco-françaises…

  4. La popularité de Johnny n’est pas difficile à constater. Je vous donne rendez-vous aux funérailles de Sardou ou de Mireille Mathieu pour reproduire un constat similaire. La question qui se pose depuis que la presse et l’Etat ont décidé de transformer un hommage bien mérité en communion nationale est celle de l’universalité de cette popularité, ainsi que celle de l’échelle du deuil. Ne vous en déplaise, la réflexion que j’esquisse relève précisément d’une sociologie de la réception, qui suggère par divers éléments que Johnny est un personnage clivant, et non un Victor Hugo moderne.

  5. Le problème… est que vous allez continuer de penser que les gens se sont déplacés aujourd’hui, pour Johnny, sur « l’injonction » de « l’État et de la presse ».

    C’est ce que je voulais pointer en disant que vous êtes dans l’incapacité à penser le « populaire ».
    Ce qui n’a strictement rien avec un « amour » pour Johnny qui serait « obligatoire ».

    « Universalité » ? Qui exige une telle dimension pour un hommage populaire ?
    Quant à Victor Hugo, j’ignore s’il fut un peu, beaucoup ou pas du tout « clivant », pour autant que cette notion eut été en vigueur à son époque ? Quelle drôle de comparaison…
    Quant à mettre en avant une coloration politique (de « droite ») du personnage, c’est tellement déplacé au regard de l’événement…
    Re-Passons.

    Cet après-midi, il faisait ciel bleu, et les gens pouvaient pleurer en écoutant de la musique, et parfois même en chantant…

  6. Excellent article et commentaires intéressants.
    C’est comme cela est dit une manière de compter les siens mais aussi d’en recruter de nouveaux.
    De faire taire toute vélléité de penser différement ou de penser à autre chose.
    On est bien dans une communication devenue de la propagande

  7. « Communication devenue de la propagande » ?

    Ce qui s’est passé hier n’est pas de l’ordre du politique (dans le sens « droite vs gauche etc. »), mais de l’ordre de l’érotique. (Pour rimer en hic…)
    Une fois que l’on regarde le phénomène sous cet angle, certains de ses aspects prennent du sens.

    Je dis « passé hier »… mais, bien entendu, ce n’était seulement, hier, qu’une manifestation, particulière, excessive sans doute, pour répondre à un fait « excessif » (la mort).

  8. Merci pour votre billet. J’avais manqué l’évaluation « faute professionnelle » adressée au contrevenant politique. L’émotion populaire est indéniablement devenue un métier qu’il faut surveiller de près. Il ne manquerait plus qu’un amateur s’empare de la dynamite. Pensée émue pour Johnny qui maniait le spectacle pyrotechnique avec tant d’efficacité.

  9. Soyons démago, pas de raison de s’en priver au point où nous en sommes.
    L’enterrer à Gstaad aurait eu un bilan carbone moins déplorable qu’aux Antilles

  10. Bonjour. Je vous rejoins sur l’analyse de l’hommage imposé, du deuil médiatique et de l’opportunisme politique. Par contre, je comprends les reproches que vous adresse dans les commentaires Patrick Guillot, sur votre « incapacité à penser le populaire ». Reproche surement excessif tant vous vous attachez, sur ce blog, à prendre le contrepied des jugements distingués et d’en éclairer les ressorts.
    Néanmoins, lorsque que vous indiquez que l’art de Johnny se limite à une « caricature vocale, expressive et scénique, (…) une série de stéréotypes figés du mâle alpha, magnifié par la théâtralité narcissique du spectacle pop. », j’ai le sentiment d’un discours assez convenu, qui revient finalement à s’étonner que la masse des admirateurs de Johnny n’ai pas su se rendre compte à quel point il est mauvais…
    J’ai alors repensé à un autre de vos billets daté de décembre 2015 : « le retour de la revanche du réveil de la force » (https://imagesociale.fr/2646), qui avait fait sens dans mon expérience de spectateur et m’a souvent aidé à penser les phénomènes de réception d’une œuvre. Il concernait la critique faite par JM Frodon du dernier opus de Star wars. Vous reprochiez à Frodon de nier l’intrication entre marketing et cinéma, et son incapacité à appréhender le 7eme art comme « un genre gouverné par la répétition, et le retour du même ». Vous convoquiez Umberto Eco pour pointer le « plaisir de l’itération comme une clé ludique et appropriative ».
    Mai question est simple : n’avez vous pas reproduit le même type de jugement situé, vous empêchant de considérer les citations (et non plus les caricatures) vocales, expressives et scéniques de Johnny comme des formes d’inscription dans une mythologie rock, Yankee, bikers… ?

  11. @François Sorin: Merci pour votre commentaire. Le rapprochement avec l’analyse de Star Wars me paraît judicieux. L’art de Johnny peut en effet être décrit comme un art de la reprise et de la variation, qui a par ailleurs toute sa légitimité dans l’univers des musiques populaires. Je maintiens toutefois la caractérisation de la caricature – un terme qui peut certes être pris en mauvaise part, mais qui constitue aussi la description objective d’un style. Des acteurs d’un immense talent comme Gabin, de Funès ou Depardieu doivent une part importante de leur succès (populaire) à leur capacité à proposer une performance basée sur un répertoire restreint d’effets surlignés – en d’autres termes, une caricature d’eux-mêmes – qui lui confère une grande lisibilité. De manière similaire, si le style de Johnny est si reconnaissable, c’est parce qu’il recourt à un petit groupe de ressorts caractéristiques, longuement mis au point, que son public a plaisir à retrouver.

    Il y a deux malentendus dans le procès que me font ceux qui projettent sur moi le stéréotype de l’intellectuel hostile à la culture populaire. D’une part, celui qui consiste à confondre en un seul phénomène le deuil populaire et son exploitation médiatique. Je ne nie en aucune manière l’émotion bien réelle des fans lorsque je critique un effet de saturation opportuniste, qui n’est pas de leur fait. D’autre part, le postulat selon lequel les médias exerceraient une influence absolue sur le public, en vertu de quoi cette surexposition serait la principale cause de son émoi. Ceux qui me font l’amitié de me suivre sur ce carnet savent que ma conviction est inverse, et c’est pourquoi, même si l’inflation médiatique joue un rôle d’amplificateur, je suis bien persuadé que le premier moteur de la mobilisation du public est son affection pour le chanteur.

    Cela posé, ce n’est pas faire preuve d’indifférence, mais au contraire d’une attention fine aux états multiples de la culture populaire que d’observer que l’aura de Johnny (en termes techniques: sa construction réputationnelle) est tout à fait particulière – je suis étonné que personne ne le concède.

    Reprenons la comparaison avec Star Wars, dont j’ai défendu les qualités spécifiques face à Frodon: est-ce à dire que je militerais pour que cette œuvre soit consacrée par le Président de la République en personne? Non, car je suis bien conscient que ce que j’apprécie dans cette saga est étranger à une reconnaissance institutionnelle de ce genre. Inversement, quoique je n’étais pas un fan de Jacques Brel, dont le lyrisme excédait quelque peu mes préférences musicales, il ne me viendrait pas à l’esprit de nier son génie ou de lui refuser une reconnaissance des plus officielles. Et l’on pourrait refaire le test avec Piaf, ou même Aznavour, sans contredire le constat que même en matière de culture populaire, il existe des échelles relativement objectives et des appréciations dont la généralité déborde l’univers des fans.

    Johnny a ses fans, et ils sont nombreux, notamment chez les plus âgés. Mais c’est aussi, reconnaissons-le, un chanteur qui suscite indifférence ou hostilité, d’une manière caractéristique qui ne relève pas simplement du jugement de goût, mais résulte bel et bien de sa construction réputationnelle, de ses choix musicaux ou de son exposition médiatique. Au contraire de Piaf, de Brel ou d’Aznavour, Johnny ou Sardou, chanteurs de talent, sont aussi des personnages publics clivants, pour des raisons qu’ils serait plus intéressant d’analyser que de glisser sous le tapis de l’antagonisme de la culture distinguée et de la culture populaire.

  12. (La versatilité du président dans ces deux phases a quelque chose de vraiment gluant, non ?) (là me vient l’idée de savoir si De Gaulle a(urait) suivi l’enterrement de Piaf ou de Cocteau…)
    Johnny Hallyday (Johnny suffit – il y avait cette jolie chanson qui le décrivait assez bien, de Boris Vian titrée « Fais-moi mal  » (interprétée par Magali Noël, ça valait – ça vaut toujours – son pesant d’Harley-Davidson)) Johnny donc ne s’ébat pas dans les mêmes cours que Piaf ou même Bécaud : il est plus jeune, je pense;
    ses aventures particulières, ses mariages (j’ai vu que l’actuelle avait touitté à 2h34 ce jour-là, ce qui m’est apparu comme vraiment quelque chose d’assez insolite), ses enfants même mis en scène – je ne vois pas tellement Sardou – du même tonneau il semble (si on dit « Michel » cependant, ça ne marche pas) faire la même chose – je crois que la dimension plus importante de Johnny tient au fait qu’il vient de plus loin, il est là depuis plus longtemps (moins qu’Aznavour ou Bécaud, plutôt du côté de Piaf) (Sardou, je ne sais plus -je ne crois pas je vais aller voir – non il y est pas – s’il est sur la photo du fils à François Périer d’Henri Salvador enfin bon) , et son public était un peu du genre de celui des Beatles (des milliards de filles se seraient damnées pour ne faire qu’entrevoir son lit, il me semble…). Le côté clivant de Sardou est plutôt à trouver du côté france profonde sinon celui de l’ignoble borgne (on sait qui c’est, lui).

    Il y a aussi eu (à garder quelque part même si cet autre Michel- Delpech – a tiré sa révérence) une référence à Mick Jagger (« mort récemment » chante-t-il) pour des annonces des morts des idoles vedettes (je crois qu’il parle des adieux de Sylvie Vartan…)
    Et aussi me vient cette chanson « Moi j’aime le music hall » de Trenet où il indique un certain nombre de collègues (sans trop en présager la disparition…)

  13. Article superficiel qui ne comprend absolument pas ce que Johnny Hallyday représente dans le société française.
    Parler de Gauche-Droite est complétement hors-sol, sans parler de la mention de Sardou.
    Il était un des seuls éléments qui faisait un lien entre les différentes classes sociales de notre société stratifiée.
    Penser que c’est l’État qui organise l’émotion collective de la mort de Johnny est une stupidité sans nom.
    L’auteur a-t-il un jour assisté à un concert de Johnny.
    Je paris que non

  14. Nous pourrons vérifier à la mort de Sardou (et désormais de toute vedette française habituée des shows de Maritie et Gilbert Carpentier) l’extension de la sollicitude médiatique et de la consécration présidentielle. Les fans de Claude François et de Joe Dassin vont regretter de les avoir vu partir trop tôt…

  15. M. Gunthert, sous prétexte que la célébration de J. Hallyday vous agace, à juste titre, par son prétendu unanimisme, vous usez de termes assez méprisants pour évoquer (dénigrer ?) le chanteur. Il ne suffit pas de dénoncer le traitement médiatique et ses modalités, il faut nous laisser entendre que Johnny avait pour vous deux défauts rédhibitoires : il était de droite et il était un produit artistique assez médiocre. Après tout, ces convictions se défendent mais ne faites pas comme si c’était uniquement l’hommage qui vous gênait. Oui Johnny était un homme de droite, sans doute réac mais plaire à un quart des sympathisants de gauche et à plus de la moitié de ceux de droite, c’est assez exceptionnel. A ce niveau-là, ça n’est pas consensuel, c’est juste populaire. Peut-être auriez-vous été plus convaincants en nous montrant un rejet viscéral par la majorité des gens de gauche. Peut-être qu’en fait beaucoup s’en foutent ou comme moi ont jeté une oreille et ont trouvé que finalement il avait chanté pas mal de choses sympathiques… Vous vous plaisez à enfoncer des portes ouvertes : il n’était plus l’idole des jeunes depuis longtemps. Effectivement comme tous les gens de sa génération, il a vieilli avec son public et à l’occasion en a parfois conquis de nouveaux. Dirait-on de Mick Jagger, Robert Plant ou Bono, autres mâles alpha bien connus du rock, qu’ils sont encore les « idoles des jeunes » qu’ils étaient ? Non, évidemment. Son insuccès dans l’univers anglophone : a-t-il cherché à avoir du succès en Angleterre ou aux USA ? Rien ne le montre et il aurait fallu que pour ces marchés, il s’adapte et chante en anglais. J’en conclus qu’il s’en foutait. « Imitation impulsée par le commerce » : depuis les années 60, je ne connais pas un artiste de la chanson dont la carrière n’ait pas été impulsée par le commerce (les maisons de disque). Quant à l’imitation, tout artiste dans le champ du rock’n’roll a commencé par imiter / adapter. Elvis Presley a donné une version du rock’n’roll prise aux chanteurs noirs et acceptée du public blanc. Les Rolling stones se sont approprié les bluesmen noirs et Chuck Berry. Bob Dylan, impulsé lui aussi par « le commerce », imitait Woody Guthrie. Quant au rapport de façade au rock et son retour dans le giron de la variété, c’est bien parce que ce n’est pas la tradition chansonnière de la France qu’il a fait autre chose que du rock’n’roll. Pour un artiste made in USA comme vous dites, il a donc fait preuve de plasticité, condition nécessaire pour durer, pendant plus de 40 ans.

    Que vos convictions d’homme de gauche soient choquées qu’on rende un hommage national à un homme de droite, dites-le franchement, ça ira plus vite. Je suis désolé pour vous mais ces grands artistes « de gauche » (puisqu’il faut tout politiser) que sont Cali, Saez ou Bertrand Cantat n’auront sans doute pas de funérailles de cette ampleur. Nous glissons donc irrémédiablement vers le fascisme.

  16. @François: Je trouve étrange de faire semblant de ne pas comprendre que le parti pris revendiqué d’un chanteur (ou d’un acteur) le sort nécessairement de l’espace consensuel où évoluent habituellement ses pairs – qui restent en général discrets sur leurs choix politiques.

    Ce caractère n’a rien à voir avec mes propres convictions, car il me paraîtrait tout aussi contradictoire de convier la nation à honorer un artiste classé à gauche – la rupture de consensus produisant le même affaiblissement réputationnel, quel que soit son bord politique. (Quoique dans cette hypothèse, mon petit doigt me dit que les éditorialistes auraient à coeur d’éclairer le public…)

    J’invite les lecteurs qui voudraient approfondir ce point à relire un vieux billet qui l’abordait à partir de l’exemple du 3e album de Carla Bruni, « Comme si de rien n’était » http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/08/12/783-peut-on-prendre-carla-au-mot (MàJ: http://web.archive.org/web/20080917184827/http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/08/12/783-peut-on-prendre-carla-au-mot)

  17. Je peux fredonner une chanson de Brel, de Piaf, de Vian, de Nino Ferrer (au moins 3 ou 4) de Brassens, d’Eddy Mitchell, de Ferrat, de Sarclo… Mais je n’arrive pas a me souvenir d’une seule de Johnny… Est-ce grave docteur? Suis-je normal?

  18. Exercice:
    Rédigez le discours de Micron (ni à l’extérieur ni à l’intérieur de la Madeleine, et pour cause…) si JH avait continué à vîîîîvre et si un chanteur populaire fort de plus de 50 ans de carrière était mort à sa place. Vous avez 4 heures.
    (note de l’examinateur: j’espère que ledit Micron sera mort de vieillesse après une trèèèès longue retraite lorsque Lavilliers dédédera)
    (note de l’examinateur2): ceci est un billet d’humeur

  19. Dans le cas de Johnny, je pense que la notion de « consensus » n’est pas très pertinente mais vu sa longévité, le caractère assez massif de sa popularité, l’ampleur de l’hommage ne me paraît pas si injustifié. Disons que sa popularité a pu éclipser (pour une grande partie) ses convictions alors que pour Sardou, qui n’a plus produit de chansons populaires depuis un bail, c’est le contraire. Goldman, Souchon ou Julien Clerc sont beaucoup plus consensuels mais sans doute y a-t-il un part de logique à ce que cet artiste-là qui a traversé les époques, les modes, les présidents et la Vème république reçoive les hommages de cette dernière.

    Vous parlez de Sardou mais que se passera-t-il dans le cas de Depardieu, véritable monument du cinéma, qui n’a pas son pareil pour dire des conneries, fréquenter des infréquentables, brocarder le fisc etc. Je pense qu’il y aura droit à sa funéraille nationale. Je le regretterai sans doute tout en me disant qu’il pouvait être très con

  20. Merci pour cet article. Quelle patience pour répondre à de très longs commentaires, bloqués sur l’émotion d’un événement qui sera oublié dans peu de temps. Ou ces commentaires à procès d’intention d’ignorer un mouvement  » populaire « , même pas choqués par l’enterrement à St Barth, mais en toute intimité tout de même.
    Après Charlie et avant Johnny, il y a eu cette injonction à grand battage médiatique dite républicaine du vote anti-FN , qui nous vaut d’avoir aujourd’hui un président si proche du peuple : la preuve, il était là pour Johnny !

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