Comme toujours fin analyste, l’éditorialiste Jean-Michel Aphatie attend «que la campagne commence». C’est-avouer qu’il manquait quelque chose à l’improbable «débat de premier tour», premier du genre, qui faisait s’affronter hier sur TF1 les cinq principaux candidats à l’élection présidentielle, sans que se produise l’étincelle attendue, la prise de parole décisive qui aurait créé la trouée, bousculé le casting. Une inversion du schéma à elle seule remarquable, tant les spécialistes en politique spectacle nous ont répété le rôle déterminant de ces affrontements télévisés.
C’est qu’à la vérité, il ne peut plus rien se produire dans ce match. Non, la campagne ne risque pas de commencer, elle a pris fin avec les résultats des primaires. Celle de droite a été organisée pour opposer Juppé au retour de Sarkozy. L’élimination de l’ancien président a eu pour corollaire de fermer la porte à la candidature Hollande, qui ne pouvait espérer l’emporter que face à ce rival très affaibli. A la surprise générale, le match retour Hollande-Sarkozy n’allait pas avoir lieu. Dès lors, il ne restait plus au PS qu’à se soumettre à l’exercice de la présélection, conclue elle aussi par l’éviction de Manuel Valls, pâle copie de l’homme au Kärcher.
L’essentiel s’est donc joué aux primaires, avec la conviction que ce tour de chauffe était l’instant décisif d’une élection à un tour. Mais le dégagisme ne fait pas une politique. Livrée aux seconds couteaux, la salle de bal a perdu de son attrait. Pas la moindre idée neuve dans l’affrontement des mesurettes, pas de vision ni de souffle, même le très précautionneux François Hollande faisait mieux en 2012.
Ce qu’a peut-être suggéré pour la première fois ce non-débat, c’est à quel point le rendez-vous majeur de la démocratie française n’allait rien changer. On comprend alors qu’on n’aurait jamais dû en arriver là. Qu’avoir suivi les apprentis sorciers de l’arithmétique politicienne, tous ceux qui se frottent les mains à la perspective d’une victoire aux points octroyée par cette compétition biaisée – c’est-à-dire ayant par avance renoncé à la réunion d’une majorité –, revient ni plus ni moins à laisser mourir la consultation électorale.
3 réflexions au sujet de « Un débat pour rien? »
10 ans après la mort de Jean Baudrillard, on semble retrouver dans votre billet, l’esprit de son article de Libé, « La guerre du Golfe n’a pas eu lieu… »
Baudrillard était adepte de la simulation généralisée. Dans ce cas, malheureusement, il s’agit bel et bien du réel: l’élection aura bien lieu. Comme les Américains avec Trump, il faudra faire avec ses résultats – même si ceux-ci s’éloignent arithmétiquement de plus en plus de la « volonté générale ».
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