L’image conversationnelle prend du galon

En une vidéo, la nouvelle secrétaire d’Etat à l’écologie vient d’envoyer le remplaçant de Nicolas Hulot aux oubliettes. Vérifiant la fameuse formule de McLuhan, «le médium, c’est le message», l’ex-communicante de Danone a choisi de répondre par le même canal à la vidéoperformance de Jacline Mouraud, «coup de gueule» d’une anonyme contre la hausse du diesel, publié le 18 octobre, que les réseaux sociaux et les chaînes d’info continue ont rapidement propulsé au rang de figure majeure du mécontentement des Français moyens.

Avec une popularité présidentielle en chute libre, le gouvernement peine à répondre à l’irritation populaire. Soulignant à juste titre les zigzags des injonctions politiques, qui taxent aujourd’hui plus lourdement un carburant hier subventionné pour soutenir l’industrie automobile et la branche des transports, les propriétaires de véhicules diesel ont réussi à fédérer la première mobilisation qui fissure l’autorité d’Emmanuel Macron.

Dans ce contexte tendu, après avoir tenté sans grand succès de répliquer par le biais des médias traditionnels, la secrétaire d’Etat a saisi son smartphone pour enregistrer et diffuser sur Twitter une réponse dont le format proclame la spontanéité. Pourtant, même dans l’exercice de la vidéo autoproduite, le canal ne fait pas tout. L’incarnation convaincante d’Emmanuelle Wargon, sans décor ni accessoires superflus, démonétise une tentative similaire par Christophe Castaner d’un debriefing en voiture du conseil des ministres, posté le 4 octobre dernier, qui avait suscité les railleries de la presse en raison du manque de naturel du protagoniste, sanglé dans sa ceinture de sécurité.

Ici, l’intelligence d’Emmanuelle Wargon est de riposter à une vidéo amateur, ce qui modifie le statut de l’intervention. Plutôt qu’une communication top-down qui ne fait que mimer les apparences du format, la réponse de la secrétaire d’Etat s’insére dans le fil de la conversation suscitée par l’actualité, dans un dialogue de pair à pair, qui s’expose de la même façon à la sélection algorithmique ou aux commentaires des internautes.

Vraie rupture dans la communication politique, le recours délibéré à l’image conversationnelle tente de situer la parole gouvernementale au même niveau que la discussion populaire. Même s’il est peu probable que cette intervention suffise à apaiser la colère des automobilistes, l’originalité du coup de com’ a valu à la secrétaire d’Etat une écoute plus attentive que l’habituel ronron du discours politique.

6 réflexions au sujet de « L’image conversationnelle prend du galon »

  1. La vidéo d’Emmanuelle, si elle se voulait spontanée, manque son effet par ses tremblements inconsidérés, puis investir 300 à 1000€ afin d’éviter que le regard ne souligne une éventuelle culpabilité. Effectivement un médium non maîtrisé ne produit que des acouphènes.

  2. Pardon pour ce message mais « français moyen » ça fleure bon ses « trente glorieuses (désastreuses pour d’autres) » et l’autre et ses couettes (la femme à Ringo) mais ça veut dire quoi ? c’est comme ce « coup de gueule » mis entre guillemets, ça veut dire quoi ? (elle lit un prompteur ou quoi, l’ex-danone ?) tout cela est pathétique à l’heure où la voiture, diesel ou pas, fonce dans le mur – mais faisons des vidéos dans nos « salons » (disons « loundge ») plutôt que de regarder l’état de déliquescence dans lequel se trouve cette merveilleuse planète, bleue certes, peuplée de ces joyaux de la masculinité nommés Salvini ou Nétanayou Trump, Erdogan Kaczynski et autres Putin, Orban ou Bolsonaro (laissant le minus (j’ai pas vu sa bobonne, mais je crois qu’elle boude) à son centenaire, l’âge de ses idées sans doute…) et équipons-nous plutôt de voitures primes à la casse électriques ou hybrides qui conviennent tant aux nomades… (la belle vie)

  3. @PdB: Le «coup de gueule» mis entre guillemets veut dire qu’il s’agit d’une citation de l’intéressée, qui qualifie ainsi son exposé, d’une manière qui me paraît raccord avec la tonalité choisie.

    A noter que le mécontentement (en effet socialement situé) des propriétaires de diesel doit être considéré comme symptomatique du caractère effectivement écologique de la hausse de la fiscalité de ce carburant. Les transformations exigées pour atténuer les effets de la catastrophe en cours vont obligatoirement se manifester sous la forme de contraintes entrant en contradiction avec l’ensemble des équilibres antérieurs, puisqu’il s’agit in fine de renoncer au modèle croissanciste. Je comprends tout à fait la colère que peuvent susciter les injonctions contradictoires – mais nous n’avons malheureusement pas fini de nous débattre dans les paradoxes et les incohérences…

  4. @AG : mais oui, certes, c’est elle qui l’emploie – « coup de gueule » ça vous a quelque chose de l’animalité ou bien ? quel est ce vocabulaire ? d’où vient-il sinon des médias qui incitent (il me semble) les auditeurs spectateurs à se conformer à leurs injonctions ? En tout cas, il est bon de regarder et d’entendre et de confronter et de critiquer les emplois des images toutes faites – c’est ce que je voulais souligner. Restons vigilants, hein…

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