Le fallait-il? La Une de Libération remixant le visage de François Hollande avec l’icône du Che a provoqué quelques réactions embarrassées (le secrétaire d’Etat Thierry Mandon a tenté d’expliquer le rapprochement par le partage d’une «résistance hors du commun»; Ségolène Royal a «bien ri»; quant au chef de l’Etat, il ne ressent «aucune filiation» avec le héros castriste).
S’il n’y a «rien de commun» entre Hollande et le Che, comme le souligne Alexis Corbière (FG), faut-il comprendre cette image à la manière d’un selfie de célébrité, opération d’appropriation désormais rituelle lors de la rencontre d’une star? Ce serait probablement présumer des intentions satiriques de Libé. Ici, pas de smartphone, de mug ou de T-shirt qui fournirait l’indication d’un quelconque second degré.
Interrogé, Johan Hufnagel, directeur adjoint du quotidien, préfère comparer le montage à l’affiche Hope d’Obama par Shepard Fairey, et justifie ce choix par la polysémie de l’icône: «Ce sont justement ces différentes lectures (…) qu’on a choisi pour accompagner l’événement et les ambiguïtés de l’île, du grand écart diplo, business, de la course avec Obama, sur une image iconique qui ne veut plus dire grand chose ou tellement de choses.»
Pour Libé, à l’heure de la normalisation de Cuba, l’image du Che, c’est un peu comme la tour Eiffel pour un touriste américain: une indication folklorique, avec une vague connotation historique, qui fait couleur locale; une icône sympa pour président en panne d’image, que l’on peut mobiliser en dehors de toute identification politique.
4 réflexions au sujet de « Hollande en Che, couleur locale »
On ne tirera pas son béret devant la facilité grotesque de cette « une », bien dans la dérision à la mode « Petit Journal de C+ ».
La figure de l’emploi de l’inaugurateur de chrysanthèmes va comme un gant à cet homme-là (ce matin, on a eu aussi droit à « il a eu sa photo historique »- on se demande bien où se trouve le minuscule dans cette mascarade) (la réaction de la première ex-dame de France est à l’image de son humour) (en tout cas, deux preuves que le ridicule ne tue pas)
« J’arrive ici, à Cuba, avec beaucoup d’émotion car c’est la première fois qu’un président de la République vient à Cuba. C’est aussi un symbole d’être le premier chef d’Etat occidental à participer à l’ouverture de Cuba et accompagner Cuba dans cette mutation », a déclaré le président, le pied à peine posé sur le tarmac de l’aéroport José-Marti.
http://www.lemonde.fr/international/article/2015/05/11/arrivee-a-cuba-de-francois-hollande-premier-president-francais-a-visiter-l-ile_4630865_3210.html#
Je suis sans doute une victime du Petit journal, mais cette couverture me semble être un écho à ce symbole que le Président aurait voulu incarner. Hollande a cru faire un « coup », sauf que visiter Cuba aujourd’hui lorsque l’on est un président français, c’est aussi révolutionnaire que de porter un T-shirt à l’effigie du Che à l’adolescence.
@El Gato: Cette lecture est tentante. Mais elle pose plusieurs problèmes. Le premier est de faire de Libé une sorte de porte-parole officiel du président – une hypothèse certes loin d’être irrecevable, mais qui sera toujours niée par les intéressés (remember le commentaire offusqué de Sylvain Bourmeau). Le deuxième est qu’à l’évidence, si l’on prend au sérieux l’héritage du guerillero, son association avec Hollande est simplement ridicule (voir la réaction de Ségolène Royal). Ma proposition, qui table sur la démonétisation du symbole, me paraît être la seule compatible avec l’hypothèse d’un comportement raisonnable de la rédaction… ;)
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