La photographie française rétrécit

shrinkingmanCoup sur coup, le petit monde des institutions photographiques françaises accumule les mauvaises nouvelles. Après le départ de Quentin Bajac en 2013 pour le MoMA de New York, son successeur au centre Pompidou, le brillant conservateur Clément Chéroux, délaisse à son tour l’hexagone pour le MoMA de San Francisco. La talentueuse directrice des collections de la Société française de photographie, Luce Lebart, est promue à la tête du Canadian Photography Institute à Ottawa, et rejoint outre-Atlantique les Français Thierry Gervais et Gaëlle Morel, qui officient à l’université Ryerson et au Ryerson Image Centre de Toronto. A Chalon-sur-Saône, François Cheval, qui a donné une impulsion décisive au musée Niépce, annonce qu’il quittera son poste à la fin de l’année, en raison de coupes drastiques et répétées dans son budget. Selon L’Humanité, le maire sarkozyste se vanterait de vouloir transformer cette institution phare de l’histoire de la photographie en «un musée du vin, de la culture et de l’archéologie de la Saône».

Faut-il s’étonner de ces signaux inquiétants, alors que le ministère de la Culture, lui-même en capilotade, a depuis longtemps abandonné à son sort un domaine en crise? Les années 1980-1990, celles de la fondation du Centre national de la photographie avec l’appui de Jack Lang, ou de la Maison européenne de la photographie soutenue par la mairie de Paris, semblent bien loin. Incapable de se renouveler, l’institution photographique française peine à impulser de nouveaux récits et à retenir les jeunes générations. Si la carrière internationale apparaît désormais comme le débouché le plus prometteur pour les spécialistes, il est à craindre que cette spirale déclinante ne puisse plus être enrayée.

5 réflexions au sujet de « La photographie française rétrécit »

  1. Le départ à l’étranger de certains, c’est aussi preuve de la qualité de la formation française, non ? Et puis c’est peut-être le signe d’un besoin de renouvellement au sein d’un milieu qui n’a peut-être pas su étendre un domaine sur lequel il est assis… (quelque chose me dit que, là, tu ne vas pas être d’accord…)

  2. @Guillaume E.: Bien sûr, la promotion de nos camarades à l’étranger confirme la compétence des spécialistes français! Raison de plus pour regretter l’exiguïté du champ disponible. Pour ceux qui ont la chance de pouvoir exercer leur expertise ici, je dirais que ce n’est pas faute d’avoir essayé de pousser les murs! Pour m’y être essayé au sein de mon propre établissement, je peux confirmer que le verrouillage du paysage institutionnel pèse au premier chef sur les spécialistes eux-mêmes…

  3. @André Gunthert. Pouvez-vous nous dire si votre alerte concerne aussi l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles que vous connaissez bien ? Les étudiants trouvent-ils facilement des débouchés au sortir de cette école en ce moment ?

  4. @Jacques Bienvenu: L’ENSP d’Arles forme à des carrières diverses: les pratiques artistiques et photographiques, et à un moindre titre, l’expertise culturelle (si ma mémoire est bonne, Clément Chéroux et Luce Lebart sont issus de l’Ecole). Vous me donnez l’occasion de préciser que mon billet ne concerne que le domaine de l’expertise, qui réunit conservateurs, enseignants et acteurs culturels. Sur ce terrain, et particulièrement pour les plus diplômés, l’orientation vers les carrières internationales est d’ores et déjà sensible.

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