Un air de déjà-vu. Comme en 2016, avec l’intoxication du prétendu «saccage» de l’hopital Necker, les mêmes acteurs politiques (premier ministre, ministre de l’intérieur, ministre de la santé…) et médiatiques (chaînes d’info continue, radios du service public…) ont tenté de présenter comme une «attaque» concertée de l’hôpital de la Pitié-Salpêtriêre un simple incident – en l’occurrence la fuite de quelques dizaines de Gilets jaunes tentant d’échapper à l’agression des forces de l’ordre, pendant la manifestation parisienne du 1er mai. Comme en 2016, un précieux document vidéo, réalisé par un soignant et diffusé dans l’après-midi du 2 mai sur Facebook, a permis de rétablir les faits et de mettre fin à la manipulation.
Au soir d’un 1er mai qui a été un sommet de violences – non, comme on l’attendait, de la part des Black blocs, mais de la part de forces de l’ordre surexcitées par les consignes du nouveau préfet de police Didier Lallement –, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner, interviewé en direct de la Salpêtrière par BFMTV à 20h, dénonce comme à son habitude les casseurs, et met en avant ce qu’il présente comme une agression délibérée: «Des gens ont attaqué un hôpital. Des infirmières ont dû préserver le service de réanimation. Nos forces de l’ordre sont immédiatement intervenues pour sauver le service de réanimation».
Il n’y a pas un mot de vrai dans cette description alarmiste, pourtant confirmée par la direction de l’hôpital et rapidement amplifiée par les médias nationaux et plusieurs politiques. Malgré le précédent de Necker, la parole d’un ministre reste le guide d’un journalisme caractérisé par son légitimisme, bien illustré par un article de France-Info, qui choisit d’associer à la narration de «l’intrusion» des manifestants dans l’hôpital (premier titre, corrigé le lendemain) une photographie de Geoffroy Van der Hasselt de l’attaque du commissariat du 13e arrondissement par des casseurs (également remplacée entretemps, voir le compte rendu de Checknews de Libération).
Pour Acrimed: «Les médias audiovisuels ont piétiné l’information. Une fois de plus. Les événements survenus à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, en fin de manifestation du 1er mai, ont débouché sur un vaste épisode de désinformation relayé par de nombreuses télévisions et radios. Un épisode qui témoigne de la précipitation des journalistes, y compris de certains journalistes de terrain, de l’absence totale de vérification et de recoupement des sources, de la reprise en boucle de la communication gouvernementale et de la hiérarchie hospitalière, de la marginalisation de témoignages contradictoires, et enfin, d’un mensonge délibéré.»
L’attaque d’un hôpital constituant une manifestation de vandalisme particulièrement abject, la répétition de la séquence de l’hôpital Necker avait évidemment pour but de traîner dans la boue le mouvement des Gilets jaunes, qui s’oppose depuis cinq mois à un gouvernement incapable de faire cesser la protestation.
Malgré les mises au point de Libération ou du Monde dans la journée du 2 mai, ce mensonge aurait pu alimenter la confusion pendant plusieurs jours, comme l’ont montré les incertitudes à propos de l’agression dont a été victime Geneviève Legay – épisode malheureusement dépourvu d’un document vidéo public permettant à chacun de juger directement des faits. A l’inverse, la diffusion rapide de l’enregistrement de l’arrivée des manifestants devant le service de réanimation a permis de lever les doutes, apportant une information suffisamment détaillée sur le moment crucial de la confrontation, et prouvant qu’il ne s’agit ni d’une attaque ni d’une intrusion.
Comme pour l’hôpital Necker, on retrouve également dans le dégonflage de la fake news la reprise d’une critique satirique des réductions budgétaires dans le domaine de la santé.