Le détail de la photographie, récit de l’édition

Une remarquable caricature photographique de Donald Trump orne la couverture du numéro du 2 octobre du magazine Stern. Soulignée d’un «Es reicht!» («Ça suffit!») rageur, elle propose une variation sur le stéréotype du tribun à la bouche grimaçante, métaphore d’une violence politique héritée de l’iconographie des régimes fascistes. L’image concentre la figure à la limite du reconnaissable par le gros plan sur le bas du visage, qui dévoile jusqu’aux pores ou aux reflets de sueur, marques d’une corporéité repoussante (crédit Upi Photo).

Je n’ai pas réussi à identifier avec certitude les circonstances de la prise de vue, qui ne sont pas précisées en légende, mais qui diffèrent de l’événement commenté, soit la rencontre à New York du président américain avec le premier ministre britannique Boris Johnson, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, le 24 septembre dernier (Trump porte une cravate différente à cette occasion).

Donald Trump, New York, 25/09/2019, photo Saul Loeb, Getty Images.

Malgré l’absence d’identification formelle de la source, il est très peu probable que la photographie originale ressemble à l’image de couverture du magazine. Une prise de vue focalisée de manière aussi hyperbolique n’existe pas encore dans la production photojournalistique disponible, et le détail publié par Stern correspond vraisemblablement à l’agrandissement a posteriori d’un portrait par la direction artistique du magazine, à des fins de caricature (comme de coutume, l’iconogramme n’est pas signé, et cette opération n’est pas décrite). On est donc ici dans un exemple typique de construction éditoriale, où l’information photographique est manipulée au profit d’un choix de récit, ici fortement hostile aux protagonistes.

6 réflexions au sujet de « Le détail de la photographie, récit de l’édition »

  1. Donc c’est « Stern » qui « brise toutes les règles » (brechen alle Regeln), vous l’avez démontré ! Photo laide, couverture laide, pour un magazine dont la tradition a toujours été de voler très bas.

  2. Couverture forte qui montre bien que Donald Trump se reconnait à quelques détails… une bouche, une mèche de cheveux.
    En 2016, The Washington Post Magazine, avait déjà mis la bouche de Trump en couverture. Toujours la même année Barbara Kruger avait serré très près le visage de Trump pour le New York Magazine
    https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/en-images-donald-trump-en-dix-unes-marquantes-de-la-presse-internationale_1911391.html

    Mais c’est peut-être Christopher Anderson qui a produit le plus de portraits très gros plans, de personnalités politiques, dans son livre Stump.

    J’avais écrit un article sur les gros plans de personnalités politique.
    http://tentation-du-regard.fr/tres-pres-2/

  3. Je me demande si on reconnait bien là le président US avant les couleurs et le texte : c’est ce qui m’est aussi apparu en voyant l’image en tête d’un article du monde d’hier : ici (https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/07/enquete-russe-affaire-ukrainienne-procedure-de-destitution-donald-trump-sur-la-corde-raide_6014538_3210.html) est-ce bien lui ? c’est moins sûr, hein… (on est en tous cas content de la teneur (sale) des draps dans lesquels il se débat – mais c’est une autre affaire)

  4. @PCH: L’accentuation caricaturale, y compris graphique, s’effectue en effet souvent au détriment de la reconnaissance. L’usage de ce registre accompagne donc la plupart du temps des personnalités dont l’exposition médiatique est maximale, ce qui permet à l’émetteur de faire l’hypothèse que le destinataire est suffisamment équipé pour reconstituer l’identité du personnage. L’hésitation peut ajouter une dimension ludique à l’exercice.

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