Clément Chéroux (dir.), Paparazzi, photographes, stars et artistes (catalogue d’exposition), Paris, Flammarion/Centre Pompidou-Metz, 2014.
La photo paparazzi a son album. Comme souvent en matière visuelle, l’outil muséographique participe activement au défrichage de territoires encore mal connus. Non sans contradictions, dans ce cas précis, car l’exposition dirigée par Clément Chéroux au centre Pompidou-Metz au printemps 2014 élève à la dignité muséale une pratique décriée, qui reste marquée du sceau infamant de la presse populaire – sorte d’antithèse de la mythologie idéale du photoreporter, incarnée par les prix et les festivals. La proposition n’a d’ailleurs pas manqué de susciter la polémique. A tort, car le caractère propédeutique des contributions du catalogue montre les lacunes des approches existantes du photojournalisme.
Orné d’une photographie par Jean Pigozzi d’une main ouverte (celle de Mick Jagger) face à l’objectif, la couverture fait écho de manière emblématique à la définition retenue par Clément Chéroux de la forme prédatrice de «l’image volée ». Cependant, en lieu et place d’une analyse proprement dite des pratiques journalistiques, le volume déploie un ensemble d’approches théoriques (Nathalie Heinich) ou esthétiques (Quentin Bajac, Frédéric Monneyron), et consacre une part importante à l’examen du volet de la mythologie cinématographique, initiée par la Dolce Vita de Fellini, qui préserve une forme de légitimité culturelle au genre (Sam Stourdzé, Aurore Fossard-de Almeida). En guise d’approche historique, on doit se contenter d’un récit sommaire de la décadence des agences, proposé par André Rouillé, qui fait l’économie d’une archéologie médiatique plus dense et plus complexe. Le caractère encore peu développé des études culturelles francophones se ressent dans l’absence d’une analyse des phénomènes de gestion de notoriété, familiers de la sociologie anglo-saxonne, qui aurait permis de relier histoire du cinéma et histoire du journalisme.
Dans cet ensemble assez éloigné du terrain, la contribution de Michel Guerrin tranche heureusement par son contenu informatif. En position d’insider, le journaliste est par exemple le seul à disposer de données chiffrées en matière de prix, dont les montants faramineux (un prix de 400.000 euros est évoqué pour une photographie de la princesse Diana) fournissent un éclairage précieux sur les rouages de la presse populaire. Complété par les témoignages de plusieurs paparazzi, ces éléments dévoilent des pistes prometteuses, prolongées par la riche iconographie du catalogue, au caractère souvent surprenant. Mieux que n’importe quel document, cette illustration montre à quel point une historiographie encore hésitante n’a fait jusqu’à présent que décrire la moitié du photojournalisme. L’exploration menée par Clément Chéroux montre le chemin qui reste à accomplir pour produire un tableau plus exact – et la difficulté de cet objectif.
3 réflexions au sujet de « La photo paparazzi, face cachée du journalisme »
La photo « paparazzi » politique en France pourrait faire à elle seule (de plus près…) l’objet d’une étude s’appuyant sur des cas récents (Hollande comme sujet, par exemple).
On pourrait appeler ce genre (apparemment juteux financièrement) le « paparazzitisme ».
Merci pour ce billet, André. Le bouquin retrace-il la fortune semi-séculaire de ce mot ?
@Dominique Hasselmann: Le genre est encore peu représenté… Mais il ne comprend apparemment pas de grosses différences de traitement avec les autres people… ;)
@Gil: Il y a un commentaire lexical détaillé sur le terme “paparazzi” dans l’article de Clément, ainsi que l’article de Sam sur le cinéma italien des années 1950, documenté et intéressant.
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