Périscope debout

Il aura suffi d’une vidéo pour mettre fin à l’intoxication de l’hôpital Necker. Parmi les hauts faits de l’application Périscope, dédiée à la diffusion en direct d’enregistrements au smartphone, rachetée par Twitter en 2015, il faudra désormais compter la vidéo du journaliste du Monde Pierre Trouvé, réalisée le 14 juin 2016 vers 15h30 pendant la grande manifestation parisienne contre la loi travail.

Vidéo de la manifestation du 14 juin sur Periscope (photogramme).
Vidéo de la manifestation du 14 juin sur Périscope (photogramme).

Dès mardi après-midi, politiques et médias en ligne avaient identifié le «prétexte providentiel» permettant d’associer casseurs et terrorisme: «l’hôpital des enfants malades» vandalisé par les casseurs, où se trouvait par pur hasard l’orphelin rescapé de la tuerie de Magnanville.

Le 14 au soir, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, invité par David Pujadas au JT de France 2, teste les éléments de langage destinés à masquer le succès du mouvement social. Dénonçant les «hordes de manifestants violents», il affiche son indignation face aux agressions dont sont victimes les policiers et associe l’évocation des «vitres de l’hôpital Necker brisées» à la présence sur les lieux de «l’enfant des policiers» assassinés.

Chauffés à blanc, les réseaux sociaux vibrent à leur tour de colère et de mépris face à l’attaque de l’hôpital des enfants. Le 15, tout semble sourire à la communication gouvernementale. Invité de la matinale de Patrick Cohen sur France-Inter, Manuel Valls déroule sans contradiction l’argumentaire du refus du dialogue. Lancé par le journaliste sur les violences «inacceptables» (et pourtant encouragées) , le premier ministre assimile casseurs et manifestants, accuse la CGT d’être incapable de contrôler le mouvement, mentionne l’hôpital Necker «dévasté», et brandit la menace d’une interdiction des manifestations. Avec Marisol Touraine, il se rend ensuite à Necker pour manifester le soutien du gouvernement.

 

Pendant ce temps, la vidéo de Pierre Trouvé, diffusée et retwittée dès le mardi, fait l’objet d’un examen plus attentif. Le quotidien Libération est le premier à se rendre compte que quelque chose ne colle pas dans le récit gouvernemental, confronté à la vision d’un individu isolé qui casse avec méthode une dizaine de vitres du bâtiment. «Personne n’est entré dans l’hôpital, il n’y a pas de dégâts à l’intérieur», selon un membre de l’équipe médicale.

Photo Yves Pagès.
Photo Yves Pagès, 15/06/2016.

La reprise et les commentaires de la vidéo sur Twitter et Facebook s’intensifie, certains notant avec circonspection l’attitude complaisante du photographe, dénoncé (à tort semble-t-il) comme un policier en civil. Indignés à leur tour par la manipulation gouvernementale, les manifestants comparent le bris des vitres à la casse de l’hôpital public par le gouvernement austéritaire. Le témoignage d’un parent repris par un site alternatif dénonce «l’ignoble instrumentalisation» du fait divers par les ministres.

Et toujours, on revient à la vidéo, pour interroger ce «que disent les images». Le Monde finit par convenir du bout des lèvres, sur le blog dans la rubrique des Décodeurs, que les dégradations «dénoncées par la classe politique» sont loin du saccage annoncé. C’est finalement Périscope qui aura eu raison de la manipulation gouvernementale. Au soir du 16 juin, les journaux télévisés des grandes chaînes, oubliant opportunément l’hôpital Necker qui les avait tant émus, trouvent dans la charge des dockers contre les CRS une nouvelle preuve de la malveillance de la CGT.

Refs.

Lire la suite:L’énigme de la vidéo de l’hôpital Necker”, 20/06/2016.

27 réflexions au sujet de « Périscope debout »

  1. on attend avec impatience votre commentaire sur les images de vidéosurveillance qui démontrent l’implication de militants de la CGT dans les heurts violents avec les forces de l’ordre

  2. @costumecravate: Comme vous pouvez le constater ci-dessus, je ne commente pas les images, mais leur commentaire… ;) Nous vérifierons si ce nouvel argumentaire pro-gouvernemental, absent des JT jusqu’à aujourd’hui, fournira l’occasion d’un débat médiatique.

  3. Ils ne sont que 3 donc c’est moins grave.
    La manipulation est « aussi » présente sur cet article où vous essayez de minimiser ce geste en le cachant derrière le mensonge du gouvernement.

    « Les vitres ne sont pas brisées, elles sont juste fissurées, c’est facile à réparer, un petit bout de scotch et tout rentre dans l’ordre. »

    C’est une bataille de communication dans les 2 camps et c’est le mot bataille qui me dérange. Le pays n’a rien à gagner dans une bataille !

  4. @Nicolas Popy: Toute la question porte en effet sur l’évaluation de la gravité des dégradations. Or, la communication gouvernementale n’avait pas pris en compte l’existence d’une vidéo permettant à chacun de vérifier la réalité des faits. On peut tout à fait admettre votre formulation: « C’est une bataille de communication dans les 2 camps », reste c’est que c’est (encore) une bataille que le gouvernement a perdu.

  5. « Une bataille que le gouvernement a perdu(e) »? Je vous trouve un peu optimiste… Tout le monde ne lit pas les Décodeurs du Monde, Libé, Rue 89. Combien pèse un article d’ASI face à un reportage sur TF1, F2 ou BFMTV? En l’occurrence je pense qu’il serait bon de prendre en compte les phénomènes de réception et de diffusion différenciées des images. Ce n’est pas parce qu’une idée est juste et a été démontrée, y compris à l’aide d’images, qu’elle infuse par magie dans le corps social. Je crains que beaucoup aient retenu de cette journée que des casseurs s’en sont pris à l’hôpital Necker, point barre. Ni vous ni moi, de toute manière, n’avons pour l’instant de preuve que nos désirs ou nos craintes seront vérifiés.

    Par ailleurs je m’interroge sur le statut que vous donnez l’image concernant ces sujets. Il me semble assez mouvant:

    – Vous rappelez souvent (à raison) qu’il faut se protéger contre une forme d’illusion mimétique: l’image (la photo en particulier) n’est pas le réel, ni même forcément une trace du réel (critique du paradigme indiciel) même si elle en donne l’impression (c’est le cas de le dire). De plus elle est toujours choisie et reçue en fonction d’habitus et de choix politique (cf photo de Martinez). Beaucoup d’obstacles pour la considérer en tant qu’élément à charge ou à décharge. Avec justesse vous dénoncez alors son usage (par le Figaro par exemple).

    – Mais à d’autres moments, elle semble devenir « preuve de… » (la violence des CRS, la dégradation limitée de l’Hôpital Necker). Vous semblez alors vous féliciter de sa diffusion décontextualisée (cf CRS donnant un coup de pied à une femme en terrasse) et de ses détournements. Dans le cas de ce billet vous allez même jusqu’à dire que la vidéo permet « à chacun de vérifier la vérité des faits » (réponse à un commentaire plus haut), témoignant pour le coup d’une confiance très forte dans l’image.

    Je dis « vous semblez » car parfois vous prenez la posture de quelqu’un qui ne commente pas l’image elle-même (vrai/faux, beau/laid), mais les commentaires qui sont fait dessus (ou leur usage social); parfois vous les qualifiez pour elles-mêmes, indépendamment de leur réception. Vous jugez alors que certaines sont trompeuses, d’autres rétablissent une vérité. Certaines la rétablissent tellement bien à vos yeux que l’ensemble de la population ne manquera pas d’y être sensible et la communication gouvernementale s’effondrera, ce qui nous ramène au sujet du jour.

    Ceci dit je suis d’accord avec vous sur le fond quant à la manipulation gouvernementale et à l’incurie des médias de masse sur le sujet, mais je me demande si opposer des images à d’autres est la bonne stratégie. J’imagine qu’on doit trouver sur certains sites des images de dégradations faites par des « casseurs », des extraits vidéos montrant des CRS calmes face à des manifestants hargneux (j’en ai vu une de ce type émanant d’une chaîne pro-russe, que relayait le Monde, lors de la manif de policiers sur la Place de la République). Bref, on ne convainc que les convaincus et on rentre dans des modes de démonstration discutables.

  6. « on attend avec impatience votre commentaire sur les images de vidéosurveillance qui démontrent l’implication de militants de la CGT dans les heurts violents avec les forces de l’ordre »

    Costumecravate : les militant-e-s CGT sont effectivement impliqué-e-s dans des heurts avec les CRS, puisqu’ils/elles se font charger et taper dessus. 9 fois sur 10, c’est pas eux/elles qui commencent. La 10e fois, c’est bien fait pour les flics.

  7. @Phil: Merci pour ce commentaire, qui témoigne d’une lecture attentive! Je savais en écrivant « une vidéo permettant à chacun de vérifier la réalité des faits » que cette formule était fautive – mais il fallait que je referme mon ordinateur pour me rendre à une soutenance… Merci de me donner l’occasion de corriger cette approximation: la version non vulgarisée aurait bien sûr dû être: « l’illusion de la réalité des faits ».

    Un relevé comme celui ci-dessus ne propose, comme vous l’avez bien noté, aucune « analyse d’image » de ma part, mais constitue simplement un compte rendu des appropriations successives. Ainsi que l’illustre le tweet d’Alain Bousquet, que certains lecteurs m’ont reproché de retenir, puisqu’il comporte une analyse inexacte (un personnage pris à tort pour un policier), ce qui m’intéresse ici est l’interrogation de la source visuelle, fut-elle fautive.

    Ce compte rendu n’est pas une analyse (pour l’arrière-plan théorique, voir plutôt: https://etudesphotographiques.revues.org/996). Pour répondre aux questions que pose votre commentaire, il faudrait préciser qu’un témoignage vidéo, plus complet qu’une prise de vue photographique, ne peut toutefois fournir qu’un extrait, une vision d’une situation forcément limitée par son champ et sa durée. Comme une photo, le document vidéo peut induire en erreur, s’il omet un élément de contexte significatif. Ce fut par exemple le cas de l’enregistrement de l’altercation avec Finkielkraut à Nuit Debout, qui semblait témoigner fidèlement de l’éjection du polémiste, mais omettait de présenter la cause de ce comportement, rapportée par plusieurs témoins, à savoir que c’est Finkie lui-même qui aurait commencé à apostropher les participants.

    La vidéo de Pierre Trouvé présente un défaut similaire. Selon les témoins, la séquence des vitres brisées fait suite à plus d’une heure de blocage et d’accrochage des manifestants avec les forces de l’ordre (un élément de contexte restitué par exemple par l’article d’Adrien Sénécat). Quoiqu’il en soit, la disponibilité de cette vidéo, qui a enregistré de manière fortuite un épisode qui devient au fil des heures un élément-clé de la communication gouvernementale, a évidemment fourni un contrepoint à la description disproportionnée des événements par la classe politique. Cet exemple rejoint d’autres exemples récents, dont le commentaire live de la première Nuit Debout par Rémy Buisine ou la vidéo de l’éjection de Finkielkraut, largement rediffusés y compris par les grands médias, qui témoignent du rôle de Périscope, nouvel acteur de la construction médiatique. Un relevé comme celui ci-dessus n’a pas d’autre ambition que de réunir les principaux éléments d’information du cas, pour nourrir ultérieurement une réflexion plus approfondie.

  8. Dans le passé on a déjà vu des images de casseur dans des manifestations . Et ensuite voir ces mêmes personnes sans cagoules et un brassard de police. Tout ça pour dénigrer le mouvement en place. État totalitaire. Triste France :'(

  9. Suggérer que les « casseurs » seraient des policiers déguisés me parait relever du fantasme. Ce serait d’ailleurs absurde et insultant pour les acteurs de ces violences eux-mêmes: des témoignages de personnes se qualifiant d' »alters », d' »antifas », ou autres ont été publiés et ces personnes revendiquent clairement la violence contre la police et contre certaines institutions (banques…), la jugeant légitime (après savoir si on est d’accord ou pas, c’est une autre question…); d’autres manifestants, sans commettre de violence eux-mêmes, ont témoigné pour dire qu’ils s’habillaient de la même manière pour rendre plus difficile l’arrestation des « casseurs ». Vous pensez vraiment qu’ils se font berner par des policiers cagoulés? Il suffit d’ailleurs d’avoir participé aux manifestations pour voir que ce ne sont pas des policiers mais bien des militants, la plupart du temps des hommes, 20-30 ans, qui développent un discours cohérent. Il y a aussi des plus jeunes qui n’ont pas forcément le même discours politique ou de discours politique tout court. Là encore, je doute qu’il s’agisse de policiers noyautant la manifestation. Et puis le nombre… vous imaginez combien il faudrait de policiers.

    Bref, je crois que le problème est ailleurs: il semblerait plutôt que la police, sur ordre du gouvernement, laisse sciemment, depuis le départ, faire une partie de ces groupes dans l’espoir cynique que cela nuira à l’image du mouvement, le fera pourrir de l’intérieur, et rendra légitime l’usage déraisonnable (c’est le moins qu’on puisse dire…) de la force. Un témoignage d’un responsable CGT Police publié dans l’Huma et sur ASI va clairement dans ce sens.

  10. Bonjour,

    je suis le responsable des « Décodeurs » du Monde, qui n’est plus un blog depuis 2014, mais une rubrique à part entière, employant désormais huit personnes.

    Je me permets de venir ici chercher les réponses que vous ne m’avez pas données sur Twitter, ce d’autant que votre billet n’a pas été modifié depuis nos échanges :

    Vous écrivez : « . Le Monde finit par convenir du bout des lèvres, sur le blog des Décodeurs, que les dégradations «dénoncées par la classe politique» sont loin du saccage annoncé ».

    Vous l’avez pourtant rappelé en début de billet, la vidéo Periscope que vous évoquez provient… d’un journaliste du Monde. Qui, envoyé par la rédaction, l’a publiée sur les réseaux sociaux. N’y a-t-il pas là un premier paradoxe ?

    Surtout, j’ai beaucoup de mal à comprendre le « finit par convenir du bout des lèvres » : les bris de vitres ont eu lieu en toute fin d’après-midi le 14. Nous avons publié, le 15 à 12h45, un article de mise au point de 5000 signes environ, qui a été affiché à la « une » du site une partie de l’après-midi.

    Doit-on comprendre que ce délai, nécessaire à l’enquête et à la rédaction de l’article, était trop long ?

    Quant au « bout des lèvres », là encore, j’ai du mal à comprendre : l’article revient longuement sur les événements, et notamment sur le bris de vitre, explique très clairement qu’il s’agit de l’action d’un individu (plus un autre qui tape à coups de pieds), fait le point sur les dégradations causées, et dément la rumeur (que vous évacuez d’un « à tort semble-t-il » dans votre billet) d’une action de policiers. N’est-ce pas là un peu plus que « convenir du bout des lèvres » ?

    Enfin, comment comprendre, lorsqu’on exerce un rôle de vigie des médias comme vous le faites ici, que, lorsqu’on vous précise les erreurs factuelles commises, que vous ne preniez ni la peine de répondre, ni encore moins celle de rectifier ?

    En espérant avoir cette fois quelques réponses,

    Bien à vous

  11. @Samuel Laurent: Merci pour cette mise au point! Ici, en tout cas, vous êtes bel et bien sur un blog, alimenté par une équipe d’une seule personne (non rémunérée, mais qui exerce une profession par ailleurs, ce qui explique mon retard à vous répondre), et vos précisions et commentaires sont les bienvenus, comme du temps du blog Les Décodeurs, qui a laissé un souvenir fort à tous ses lecteurs (j’ai rectifié ci-dessus).

    Pour info, je ne suis pas passé par la Une du Monde (qui concerne surtout les abonnés, depuis que l’accès aux contenus est devenu payant), mais par le biais d’un signalement sur les réseaux sociaux – comme d’ailleurs pour tous les articles cités ci-dessus, ce qui les désigne comme autant de sources élues par l’attention des internautes. Les subtilités de la hiérarchie éditoriale du Monde sont-elles lisibles pour un lecteur de passage? Ma méprise montre que ce n’est pas nécessairement le cas.

    Je maintiens néanmoins le « convenir du bout des lèvres » – qui n’est, rassurez-vous, pas le jugement d’une instance pontificale infaillible, mais un simple avis de lecteur, qu’il est parfaitement possible de discuter ou de contredire – voire de prendre au sérieux, pour essayer de comprendre ce qu’il pointe (un réflexe pas toujours évident pour un journaliste français, je l’admets).

    Je le maintiens, car ce sur quoi porte cette formule n’est pas, comme vous semblez le croire, l’analyse de la vidéo tournée la veille, mais bien sur la remise en question de la communication gouvernementale. Il suffit de comparer l’article des Décodeurs avec celui de Libération pour apercevoir que votre présentation reste prudemment factuelle, sans jamais remettre en cause directement le verbe ministériel, quand l’article de Luc Peillon et Sylvain Mouillard cite explicitement en titre les propos de Valls et Cazeneuve (« L’hôpital Necker a-t-il vraiment été ‘dévasté’ par les ‘casseurs’? ») – propos que votre article omet curieusement de rappeler. Un jugement tranché tel que: « ces actes sont donc loin d’avoir laissé derrière eux un bâtiment ‘dévasté' » (Libération) n’a pas d’équivalent dans le commentaire du Monde. Donc oui, je pense que « convenir du bout des lèvres » décrit bien la différence de ton qui distingue les deux articles.

  12. Michel Cymes publie une lettre ouverte destinée aux casseurs de l’hôpital Necker
    « Chers casseurs,
    Permettez-moi un mot pour exprimer un souhait.
    Aujourd’hui vous êtes jeune, révolté mais demain, vous aurez je l’espère un métier et surtout une famille. Vous serez papa. Je vous souhaite de ne jamais recevoir un jour un appel de cette police que vous aimez tant, pour vous avertir que votre enfant a été renversé par une voiture. Qu’il est grièvement blessé, qu’il a été transporté en urgence à l’hôpital et que l’équipe médicale essaye de le sauver au bloc opératoire.
    Je vous souhaite de ne jamais faire comme tous les parents, de vous asseoir dans une salle d’attente, angoissé, vous demandant si vous allez revoir votre enfant.
    Et pendant cette attente insupportable, vous percevrez peut-être des cris de manifestants au loin… mais vous n’y prêterez pas vraiment attention, votre cerveau de papa ne pensera qu’à son enfant. Jusqu’au moment où vous verrez l’équipe chirurgicale sortir du bloc parceque des gens qui ressemblent à celui que vous étiez il y a quelques années se sont mis à casser les vitres du bloc opératoire dans lequel on essayait de sauver votre enfant.
    Et là, je vous souhaite de ne jamais ressentir cette colère qui prend le dessus et qui vous donne envie d’aller casser la gueule aux casseurs…
    Allez, un peu de patience, on en reparlera dans quelques années quand vous serez papa… »

    Le reste n’est que littérature si j’ose dire.

  13. @Phil Êtes vous sur d’être aux manifs ? j’y étais ce fameux 14 juin, et bon sang des flics habillés en « casseurs » j’en ai vu par dizaine…. Je suis arrivée à la bourre à la manif, j’ai donc débarqué aux Invalides avant de remonté le trajet de la manif sans savoir qu’en tête de cortège étaient les casseurs. Je me suis donc retrouvé dans ce cortège en marge de la manif, toutes les rues parallèles au bld étaient bloquées par la Police! j’ai donc été forcé par des flics de sortir ! Impossible d’y re-rentrer pdt prêt de 40mn! ils ne nous laissaient plus accéder au cortège! Et pendant ce temps là j’en ai vu des flics habillés tout en noir, avec des beaux autocollant prônant la grève et la CGT donc bon sang cessez d’être si naïf !
    Et je ne suis pas pro-manif !

    s : la fille d’une flic

  14. J’ai trouvé des sites où on peut acheter des brassards police. Je dis ça je dis rien mais j’ai tout dit

  15. A lire également, le commentaire largement illustré d’Yves Pagès (dont je reproduis ci-dessus une photo) sur le blog Pense-bête: « Un mensonge d’État qui nous prend pour des cons: l’hôpital Necker « dévasté » par des sauvageons… »
    http://www.archyves.net/html/Blog/?p=7017

  16. Aucun parent n’a envoyé de lettre : c’est un texte de propagande qui s’auto justifie en s’inventant une source « concerné » par le problème…

  17. @Mary

    Je suis peut-être naïf, mais je crois vraiment que les personnes que j’ai pu voir casser des vitrines, s’en prendre à des voitures et affronter les policiers (à Rennes en l’occurrence) n’étaient pas eux-mêmes des policiers. C’était des militants conscients, développant un discours cohérent, et qui effectuaient un geste explicitement politique, visant en priorité les banques, les assurances, le mobilier JC Decaux, un commissariat, etc. Certes il y a eu d’autres types de groupes et d’autres cibles (magasins… ) mais ce n’était certainement pas des policiers non plus (ils étaient très jeunes pour la plupart). J’admets cependant que je ne suis pas allé vérifier…

    D’après ce que j’ai pu lire dans les médias (et je parle ici d’Arrêt sur images, notamment l’émission du 20 mai dernier avec un journaliste de Taranis News et un policier CGT) ou entendre d’amis à Paris ou à Nantes, c’était la même chose. Ce sont bien des militants politiques, qui revendiquent leur geste et qui n’ont rien à voir avec des policiers (allez leur dire que ce sont des flics, je crois que vous serez bien reçue).

    Qu’il y ait des policiers qui s’infiltrent dans tel ou tel groupe à l’occasion d’une manif, c’est une chose habituelle. Que le gouvernement ait voulu, par cynisme, laisser faire les violences pour décrédibiliser le mouvement (avec une efficacité discutable), cela me semble une hypothèse possible. Que la police constitue elle-même ces groupes de « casseurs » passant à l’action contre du mobilier ou d’autres policiers, cela me parait en revanche relever du fantasme. C’est aussi dévaloriser le projet politique de ces groupes, qui ne seraient au pire que des policiers déguisés, au mieux que des pantins manipulés, ce que je ne crois pas non plus.

  18. « Que le gouvernement ait voulu, par cynisme, laisser faire les violences pour décrédibiliser le mouvement (avec une efficacité discutable), cela me semble une hypothèse possible. » Hypothèse non seulement possible, mais confirmée par le syndicat policier Alliance (Jean-Claude Delage: « L’Etat doit prendre ses responsabilités, ne pas nous laisser attendre des heures face à des casseurs identifiés, qu’on pourrait même peut-être préventivement assigner à résidence dans le cadre de l’état d’urgence ou interpeller » http://www.bfmtv.com/societe/un-syndicat-de-policiers-denonce-les-consignes-recues-pendant-les-manifs-972088.html)

    Cette tactique du pourrissement (ainsi que les exactions policières, attestées par de très nombreux témoignages, depuis le commencement de Nuit debout, alors même que cette forme de manifestation était des plus pacifiques) explique pour une large part la montée des violences du côté des manifestants, sans qu’il soit besoin de mobiliser des thèses farfelues. Laissons de côté infiltrations, déguisements et brassards. Il faut commencer par l’admettre: la manifestation du 14 juin, particulièrement massive malgré les dénégations du gouvernement, a bel et bien généré une casse importante – vitrines et mobilier urbain, tout au long du parcours (par rapport à quoi l’épisode de l’hôpital Necker apparaît en effet négligeable – seule la fonction particulière de l’établissement explique sa mise en exergue). Voir notamment le témoignage de Jean-Marie Godard: https://www.facebook.com/jeanmarie.godard.52/posts/10154300507429243

    Ceux qui condamnent les casseurs du fond de leur canapé, comme l’animateur télévisuel Michel Cymes, qu’on a connu plus drôle, n’ont pas compris grand chose à ce qui se passe en France depuis maintenant plus de trois mois, ou bien dissimulent derrière l’appel aux bons sentiments un positionnement politique qui n’a rien de neutre. Plutôt que de jouer les vierges effarouchées, et de recommander la tenue de manifestations inoffensives ou de blocages non bloquants, rappelons-nous que Mai 68, magnifié aujourd’hui dans les livres d’histoire, a connu des débordements bien plus spectaculaires, ou que si les paysans ou les professions du transport obtiennent souvent gain de cause, c’est bien parce que leurs actions comptent parmi les plus tangibles et les plus offensives. Une manifestation n’est autre, dans son principe et sa phénoménologie, qu’une émeute « civilisée » et contrôlée, mais dont l’effet de pression n’existerait pas sans une composante de menace et d’intimidation.

    On ne peut pas non plus comprendre la dynamique d’un mouvement social si l’on refuse de prendre en compte la réponse de l’interlocuteur et l’histoire dans laquelle il s’inscrit. Ceux qui recommandent la douceur ont oublié que Nuit debout a bel et bien proposé une longue étape de mobilisation non-violente – sans effets perceptibles. La montée des violences accompagne de manière évidente le raidissement d’un régime dont l’obstination et le refus de composer se mesure au nombre de mois écoulés depuis le début du conflit. La manipulation de l’hôpital Necker n’est qu’une confirmation de plus de l’autisme et de l’hypocrisie d’un gouvernement qui a perdu toute notion de son rôle d’arbitre et de sa mission de gardien de l’intérêt public.

  19. Il y a juste un petit détail qui me chagrine dans cette affaire de l’hôpital Necker, et que personne ne l’ait relevé.
    Je veux parler de ce fameux casseur isolé, rapide et méthodique (pas trop leur style habituel). Comment peut-on venir à une manif, armé d’une masse, sans être interpellé ou neutralisé ? Ce n’est pas une pancarte ni un objet anodin, une masse ! C’est voyant, imposant et laisse augurer des actes d’une violence inouïe si elle est employée contre une personne. Ceci dit, tout en sachant que le cortège est très encadré par les forces de l’ordre…

  20. @Alexandre

    Si, je m’en souviens très bien, de cette affaire de 2010. L’article confirme plutôt ce que je dis: depuis longtemps les gouvernements UMP puis PS laissent plus ou moins faire les « casseurs » pour donner une image négative des mouvements sociaux. Ils infiltrent les manifs et certains groupes violents depuis plus longtemps encore. Il est cependant très difficile de prouver que ce sont eux qui constituent les groupes de casseurs. S’ils existent très ponctuellement, ils ne peuvent en aucun cas représenter la majorité de ces groupes. Quant à les manipuler en les encourageant, leur suggérant des cibles, cela me parait difficile à imaginer. Cela revient en outre à voir dans ces authentiques militants des marionnettes décérébrées, des « idiots utiles » du pouvoir, ce qui n’est pas la réalité à mon sens.

    Dans le mouvement actuel, les policiers n’ont d’ailleurs pas vraiment besoin de jouer eux-mêmes aux casseurs. Je ne vais pas me répéter, ni répéter ce qu’a très bien écrit André Gunthert: que vous le vouliez ou non, que vous les approuviez ou non, il y a aujourd’hui des personnes qui utilisent la violence (une violence le plus souvent ciblée) et la revendiquent comme un geste politique légitime face à une violence capitaliste et une violence d’Etat qui leur paraissent insupportables et ne pouvoir être combattues que de cette manière. Nier leur existence, préférer voir en eux des policiers déguisés est peut-être intellectuellement plus confortable, mais ne change rien à la réalité.

    PS: Une autre émission d’ASi est d’ailleurs éclairante: celle avec Eric Hazan dans laquelle il justifie la violence de ces groupes « alters », ne les prenant jamais, lui, pour des policiers. http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=8661

  21. @Phil.
    Je comprends tout à fait votre argumentation et je suis d’accord avec vous sur presque tout.
    Mais je crois que pour la solidité de votre argument, il n’y a pas besoin de NIER (et même déligitimer en invoquant le fantasme) que des policiers puissent eux même être casseurs PARFOIS. La stratégie policière dans ce genre de situation est quelque chose de certainement complexe. Je n’ai aucun avis sur la profession réelle de telle ou telle personne s’employant sur telle ou telle vitrine mais j’ai assez d’expérience des manifestations, ET des tribunes de football (ce qui doit être plus rare chez mes collègues, et qui procure une vision hebdomadaire et non exceptionnelle de ces expériences) pour savoir que c’est une des techniques utilisées selon les circonstances, et vos doutes sur le profil, le look, l’âge d’éventuels policiers paraissent plutôt naïfs.
    ça n’empêche pas que votre raisonnement est globalement cohérent. Il serait naïf dans l’autre sens de considérer que la casse n’est le fait QUE de policiers.

  22. Ce débat sur le sexe des anges, de toutes façons impossible à trancher, nous éloigne des enjeux dont la manifestation du 14 juin a été le théâtre. Parmi les témoignages disponibles, je recommande la lecture de celui du sociologue Pierre Mercklé:

    « Clairement, le dispositif n’avait pas été conçu pour empêcher les dégradations qui ont lieu tout le long du parcours : d’une part, les « casseurs » n’étaient que très rarement ciblés par les raids des forces de l’ordre, jamais aussi systématiquement en tout cas que l’ont été les flancs du cortège pendant presque une heure au niveau de l’hôpital Necker, et ensuite les manifestants «de l’arrière» entre l’hôpital Necker et l’esplanade des Invalides; et d’autre part, si les autorités préfectorales avaient voulu éviter les dégradations subies par l’hôpital Necker, elles auraient certainement choisi de positionner ailleurs le lourd dispositif de fixation qui a servi à couper le cortège en deux.

    S’il ne s’agissait pas particulièrement de maintien de l’ordre public, que vise alors ce dispositif ? Car il vise bien quelque chose, il ne résulte visiblement pas de l’addition d’initiatives individuelles prises par des CRS excités, ou épuisés par des mois d’heures supplémentaires (…). En cela, c’était bien plutôt une opération de maintien d’un ordre politique (…) cet ordre politique enfin qui – et c’est peut-être la plus grande surprise venant d’un gouvernement porté au pouvoir par la gauche – fait porter sur le mouvement social la responsabilité des violences dont ce gouvernement est en réalité plutôt le commanditaire et le maître de ballet. »

    http://pierremerckle.fr/2016/06/la-manifestation-du-14-juin/

  23. Une autre vidéo que j’ai mise ici :

    montre comment un groupe de policiers en civil se masquent et partent se mêler aux manifestants. L’agissement de ce casseur de vitres parait d’autant plus surprenante, sauf à imaginer quelques complicités entre les deux !

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