Le Monde a ponctué le triste passage aux 100.000 morts du Covid en France, le 15 avril dernier, par une infographie en ligne restituant la progression de la pandémie par une accumulation de points, où chacun représente un décès. Ce principe déjà utilisé par le New York Times le 21 février dernier, lors du jalon des 500.000 morts aux USA, avait alors été critiqué en raison de la réduction de chaque individu à un simple pixel. Le 24 mai 2020, le quotidien américain avait au contraire choisi de recouvrir sa Une par une longue liste de noms suivie de quelques informations biographiques, pour marquer les premiers 100.000 morts du Covid aux Etats-Unis.
La traduction par la courbe des statistiques du Covid est un outil indispensable de la mesure des progrès de l’épidémie, qui accompagne et guide son commentaire depuis ses débuts. Son remplacement par d’autres formes de visualisation apporte-t-il quelque chose à sa représentation? Outre la tentative de réindividualiser une information globale, trop abstraite, les figurations alternatives proposent de réinvestir la dimension iconographique, de redonner une image du phénomène. Dans le cas du Monde, l’infographie révèle l’importance de la mortalité pendant l’hiver 2020-2021, alors que les mesures gouvernementales de protection restaient modérées.
Le recours à des innovations visuelles est aussi une façon de souligner l’importance d’une actualité. La mise en scène graphique des bilans du Covid a pour but de traduire de façon frappante les changements d’échelle provoqués par une épidémie qui paraissait bénigne à ses débuts, et qui dépasse désormais les trois millions de morts dans le monde au bout de 14 mois. Le New York Times s’est particulièrement illustré dans cet exercice, en tentant de figurer l’excès des effets de la pandémie par des formes de visualisation qui transforment l’espace de la page en image, et en débordent les contraintes pour illustrer le dépassement des limites. Les ressources du graphisme restent des instruments indispensables pour aider à se représenter l’inimaginable.