Après plusieurs dessins ayant suscité de vives polémiques, il vaut la peine de signaler une couverture de Charlie qui remporte apparemment tous les suffrages : celle du numéro du 6 avril, par Vuillemin.
Imaginant une manifestation des riches alarmés par la menace que fait peser sur leurs pratiques fiscales le scandale des “Panama papers”, le dessin de Vuillemin retrouve un terrain plus consensuel: celui de la caricature des classes supérieures.
Outre l’effet comique tiré de l’association de plusieurs événements (on pense notamment à l’accueil mouvementé par les habitants du XVIe arrondissement d’un projet d’hébergement des sans-logis, mais aussi aux manifestations spontanées post-13 novembre), le dessin a la particularité de jouer sur la mise en abyme du motif “Je suis Charlie” (remplacé ici par “Je suis Panama”) au sein même du journal qui fut l’objet de la plus importante manifestation de solidarité de la période récente. La récupération par les dominants des marques de la communion nationale fait sourire et fait en même temps réfléchir sur les inversions paradoxales que notre société multiplie – un excellent éditorial visuel du dessinateur des Sales blagues.
2 réflexions au sujet de « Je suis Panama »
Un dessin assez drole! Et puis aussi un sentiment de soulagement: Ouf, un peu d’air frais me suis-je dis, apres la succession de dessins d’extreme-droite de Laurent Sourisseau. Et puis une interrogation: Pourquoi serais-je soulage que Charlie-Hebdo publie un dessin, comme vous dites, « consensuel »? Dans les deux cas, d’extreme-droite ou consensuel, ce n’est plus ce qu’on esperait trouver dans Charlie Hebdo. Peut-on encore etre Charlie Hebdo? L’appel, un peu desespere, de Luz: « Vous etes Charlie? Prouve-le! » est peut-etre devenu, a notre epoque, encore un peu plus difficile que l’on croyait.
Je ne suis pas sûr que ce soit un service à rendre à Charlie que de le renvoyer constamment à son « identité ». C’est la ligne de défense des avocats des derniers dérapages de Riss, mais on voit que la pertinence de cet argument reste faible. La couverture Stromae relevait à mes yeux de la psychanalyse. Nouveau venu, Vuillemin rompt cette réflexivité mortifère, et retrouve le goût du réel, qui est l’aliment du journalisme, sans rien perdre de la férocité du trait. Le tout en se moquant avec élégance de l’icône « Je suis Charlie » – une forme bienvenue d’autodérision, que ni Luz ni Riss n’avaient réussi à retrouver (mais qui pourrait leur en faire reproche?).
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