L’Aura à l’ère des singularités numériques

Résumé: Walter Benjamin proposait la notion d’aura pour caractériser l’authenticité de l’œuvre d’art artisanale, en opposition avec le dynamisme du cinéma, œuvre industrielle. En étendant l’idée d’aura à la mémoire des trajets historiques accompagnant les productions culturelles, la nouvelle disponibilité des œuvres dans l’espace numérique pose la question de l’évolution de leur réception. Entre socialisation des singularités et algorithmes, les formes d’accompagnement attentionnel connaissent aujourd’hui une mutation historique. Celle-ci un élément-clé de la recomposition du paysage culturel.

Vidéo de mon intervention dans le cycle «Les mondes numériques de l’art contemporain», organisé dans le cadre de PSL, le 14 avril 2016 à l’Ecole normale supérieure (2h15).

2 réflexions au sujet de « L’Aura à l’ère des singularités numériques »

  1. Bonjour André et merci pour cette conférence passionnante.

    Vous placez l’aura du côté du désir et de la réception, en indiquant notamment que le « paratexte » de l’œuvre est un critère déterminant dans sa compréhension et son appréciation.
    Cette posture me renvoie à la notion de « récit autorisé » de l’œuvre développée par l’historien de l’art Jean-Marc Poinsot, qu’il utilise pour pointer un corpus d’éléments implicites et tacites qui ne font pas partie de la matérialité de celle-ci (à commencer par l’auteur, le titre et la date quand ceux-ci ne sont directement inscrits sur le support) mais qui en sont néanmoins une composante ; un récit de l’œuvre qui redouble son appréhension.

    « Les récits autorisés sont second en ce sens qu’ils apparaissent après l’œuvre ou dans sa dépendance lors de sa présentation ou de sa représentation. Ils n’ont pas d’autonomie car ils sont toujours à prendre avec l’œuvre en vue ou en référence. Ils ne sont ni œuvres ni discours indépendants, mais récits institutionnels systématiques associés à la production d’événements et prestations artistiques au rang desquels les expositions jouent le plus grand rôle. Ainsi, nous ne pouvons pratiquement pas percevoir d’œuvre contemporaine sans saisir du même coup au moins une partie des récits qui les accompagnent. ce sont les titre, signatures, dates et autres dénominations, les certificats, attestations, descriptifs, notices de montage ou projets. ce sont les légendes qui flanquent les illustrations dans les catalogues, les déclarations d’intentions, recension et descriptions, les informations , les invitations, les prescriptions, les tracts et autres communiqués de presse dont les artistes gratifient leurs interlocuteurs ; ce sont les commentaires oraux que l’interview diffuse sur les ondes ou fixe sur le papier, ce sont les catalogues raisonnés ou non, les biographies, les livres de témoignage et les journaux personnels. »

    En regard de votre relecture au 3e degré de la notion de Benjamin et si cette notion vous semble pertinente bien sûr, je serai curieux de savoir comment vous positionneriez cette frontière entre le récit autorisé – qui relèverait peut-être encore d’un moment de production de l’œuvre, en ce sens que l’auteur ferait autorité première sur le contenu de ce récit – et l’aura de l’œuvre comme effet tiers de la réception et condition qui permettra de relier aux œuvres ceux qui les reçoivent.

  2. Merci pour ce rappel tout à fait à propos! On peut également penser à la notion de capital symbolique de Bourdieu. J’utilise personnellement le terme “récit” plutôt pour décrire les productions à composante visuelle, mais l’approche contextuelle de Poinsot s’inscrit en effet parmi les tentatives de prendre en compte l’interaction qui s’établit entre l’œuvre et sa réception. L’autorité de l’auteur renvoie aux mécanismes de formation du capital symbolique dans les contextes artisanaux traditionnels, mais apparaît plus difficile à cerner dans des productions industrielles plus complexes, comme les séries télévisées, qui peuvent le cas échéant promouvoir une figure d’auteur secondaire (cas de R.R. Martin dans la saga Games of Thrones, dont la version audiovisuelle est l’oeuvre de David Benioff et D. B. Weiss). Cette série montre également le rôle fondamental du dialogue avec le public (voir p. ex. http://imagesociale.fr/1866).

Les commentaires sont fermés.