Dans son émission de vendredi (accès libre), Arrêt sur images revient sur l’interview du 16 juin dernier où la journaliste vedette de BFMTV/RMC, Apolline de Malherbe, se lâche face à une jeune militante climatique, et dont un extrait a largement circulé sur les réseaux sociaux, associé à l’évocation du film Don’t Look Up.
Aux côtés de la militante Sasha, Nassira El Moaddem donne également la parole à Salomé Saqué, journaliste à Blast – elle aussi protagoniste d’une altercation télévisée relative au climat, moquée par les affreux Jean Quatremer et Etienne Gernelle à 28 Minutes le 29 octobre 2021. La journaliste analyse l’échange avec la jeune activiste en soulignant que l’entretien n’a pas pour but d’informer sur l’action contre la crise climatique, mais au contraire de «remplir une case», autrement dit de caricaturer les mouvements contestataires, dont le point de vue est incarné à l’écran par un personnage de «jeune femme apeurée», qui vient renforcer la vision négative des adeptes du business as usual.
La prise en compte d’une intention éditoriale manifestée par le choix de l’invité est une application des thèses du sociologue Pierre Bourdieu – autrefois invité sur le plateau d’Arrêt sur images, où il avait eu le plus grand mal à se faire entendre. Expliquant le rôle joué par la figure de Greta Thunberg dans la période récente, cette description éclaire le traitement télévisé de l’activisme climatique. Pour un public hostile aux débats sur le réchauffement, un dialogue joué d’avance entretient le stéréotype de l’activiste énervée, incapable d’entendre la contradiction (comme l’énonce Apolline de Malherbe: «De toutes façons vous ne m’écoutez pas, donc… Je peux poser des questions, mais… Olala, vous vous êtes dans votre TGV!»). La mise en scène comporte également une dimension auto-réalisatrice: c’est en s’adressant à l’interviewée de façon volontairement provocante que l’animatrice accentue le caractère crispant de l’échange.
2 réflexions au sujet de « Climat: merci de remplir la case prévue »
Dans les années 80 et 90, un peu avant sa retraite, le journaliste Tom Brokaw qui présentait les nouvelles nationales de NBC avait une mini-série hebdomadaire intitulée « the fleecing of America » (le pillage de l’Amérique). Il usait du même stratagème pour s’en prendre à divers personages , qu’ils fussent employés du gouvernement ou même éducateurs, et bien d’autres. Cela jouait bien dans les tendances anti-intellectuelles du public, et continue, bien entendu de faire recette. Par exemple, comment expliquer en 30 secondes l’importance de l’instruction civique? Je suppose qu’on peut maintenant répondre « 6 janvier 2021 » pour autant que le « journaliste » accepte la réalité.
Cela me rappelle Henri Kissinger sur la question des droits de l’homme:
« I do not pretend that we foresaw the way courageous people inside the Soviet—inside Poland and Czechoslovakia then used those principles. But the strategy we had was to weaken the Soviet control by making repressive conduct an international issue. »
https://www.cfr.org/event/henry-kissinger-looks-back-cold-war
De la meme maniere, maintenant qu’il y a le covid, la guerre en Ukraine et la recession economique mondiale, on n’a plus besoin du changement climatique pour ramener le mouvement ecologique sous le controle de l’Etat. Non seulement ca fait double emploi mais c’est meme devenu contre-productif. Et les militants passionnes du climat ne l’entendent pas de cette oreille ! Et surtout les militantes ! Elles ont du repondant, chapeau !
Donc, ils n’avaient peut-etre pas « prevu la maniere dont des individus courageux a l’interieur du monde riche utilisent ces principes » !
Les commentaires sont fermés.