Trait d’union entre deux images: la plus ancienne photographie d’un paysage planétaire extraterrestre, réalisée le 15 juillet 1965 par le satellite Mariner 4, numérisée et envoyée par radio de Mars vers la Terre (ci-dessus, à gauche), et la première vue enregistrée le 12 novembre 2014 par le robot Philae après son atterrissage sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko, alors distante de plus de 500 millions de km (ci-dessus, à droite).
Séparées par un demi-siècle, ces deux images témoignent d’une même et unique quête: celle de la vie extraterrestre. Mariner devait révéler l’existence des fameux canaux martiens, imaginés en 1877 par Schiaparelli. La déception fut immense: les photos du satellite montraient au contraire un paysage constellé de cratères, aussi désolé que l’horizon lunaire. La conclusion de l’époque fut de ranger les espérances de découverte d’une civilisation alien au rayon des fables1.
Universal Newsreel, « No Life on Mars », 31/12/1965
Quarante-neuf ans plus tard, appuyés sur une nouvelle théorie, celle de la pollinisation des planètes par les comètes, porteuses d’eau et de molécules complexes, les enquêteurs cherchent à nouveau des signes de vie. Oubliée, l’héroic fantasy qui peuplait les rêves de cow-boys stellaires chevauchant des montures à huit pattes. Ce que la science traque aujourd’hui, avec des instruments incomparablement plus sophistiqués, n’est même pas une cellule ou une bactérie, mais la trace de molécules organiques, la signature primitive d’une promesse de vie. Un rêve intact, qui suscite un enthousiasme et une fascination inchangés.
MàJ. D’après le premier rapport de synthèse, publié le 17 novembre, des molécules organiques auraient effectivement été détectées par Philae.
- Robert Markley, Dying Planet. Mars in science and imagination, Duke University press, 2005. [↩]
4 réflexions au sujet de « De Mariner à Philae, chercher la vie »
Après Go West, Go Space…
En 1964, Mariner n’avait pas pour mission de révéler l’existence des fameux canaux martiens imaginés en 1877 par Schiaparelli. Depuis longtemps déjà, les astronomes savaient que ces canaux n’étaient que des chimères. Ainsi, en 1955, dans l’édition révisée de l’Astronomie Populaire de Camille Flammarion, on peut lire: « […] le débat sur les canaux géométriques se serait éternisé sans l’intervention de la photographie […] Les premières photographies de Mars, obtenues par Slipher à l’Observatoire Lowell [en 1909], montraient une grande quantité de détails. Les canaux de Schiaparelli y étaient représentées par de larges traînées diffuses, sans la moindre trace d’un réseau géométrique. » (p. 293). « Il est admis aujourd’hui que les contours irréguliers de ces configurations sont dus au jeu des forces naturelles, et non à la volonté réfléchie d’une armée d’ingénieurs. » (p. 286)
Certes pas officiellement, ma formule est un peu rapide, disons si tu préfères l’espoir de rencontrer une vie civilisée (qui correspond à l’interprétation lowelienne des canaux). Toutefois, une référence française (Flammarion) ne suffit pas à trancher un débat plus large et plus complexe. Il vaut mieux se référer en l’occurrence aux acteurs de l’exploration spatiale eux-mêmes. Carl Sagan, l’un des principaux inspirateurs de la NASA, qui croyait à l’existence d’une vie extraterrestre sur la planète rouge, affirmait encore en 1966 déceler dans les photos de Mariner « linear topographical features known to geologist as lineaments » qui, quoique plus étroits que les canaux, pouvaient y faire penser.
Contrairement à l’idée selon laquelle science et fiction seraient séparés par une frontière étanche, le chapitre 6 de l’ouvrage de Robert Markley que je cite ci-dessus décrit mieux que je ne saurais le faire la forte composante de culture geek des acteurs de la NASA, qui a incontestablement été, avec la compétition avec l’URSS, l’un des leviers majeurs du projet d’exploration spatiale. Parmi les références imaginaires héritées de Lowell, von Braun ou Arthur C. Clarke, les canaux avaient la vie dure: ils figuraient encore sur les cartes utilisées par l’agence pour préparer le voyage des satellites. Ce sont les photos de Mariner 4 qui mirent un point d’arrêt au rêve, et obligèrent à redimensionner fortement les budgets et les ambitions d’un programme qui visait à envoyer rapidement des hommes sur Mars.
Cela dit, comment ne pas voir qu’on se trouve ici à une sorte de croisée des chemins? Quand on lit Markley, on se dit que c’est bien l’influence de la culture geek qui a conduit les USA a chercher de manière obsessionnelle la vie sur Mars. Ce n’était peut-être pas le meilleur endroit pour la trouver: si l’on en croit les premiers comptes rendus, la découverte de molécules organiques par Philae sur la comète représente une vraie révolution de notre conception de la vie extraterrestre. Après les efforts considérables consacrés par la NASA à cette quête, il est bien sûr très ironique de voir que les premiers résultats concrets sont produits par une agence européenne, l’ESA. Mais ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard…
Une impressionnante tentative d’histoire interplanétaire:
http://www.maxisciences.com/mars/la-vie-sur-mars-aurait-ete-aneantie-par-une-guerre-nucleaire-selon-un-scientifique_art33937.html
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