Fake news, mode d’emploi

Un bel exemple de dyslexie a été épinglé hier par Libération et France 2: un prétendu salut nazi d’un gilet jaune, dénoncé par le compte Twitter Team Macron (puis par Naïma Moutchou, rapporteure de la loi contre la manipulation de l’information, ce qui prête pour le moins à sourire), et qui se révèle être un vigoureux «Ave Macron!», très gaulois réfractaire.

 

Dans le contexte de l’effort gouvernemental pour discréditer le mouvement de protestation, un signe nazi était évidemment bienvenu. L’intention mensongère de l’emetteur est manifeste, car il fallait couper le son de la vidéo pour interpréter le geste comme un salut hitlérien. Les commentateurs du tweet répliquent en citant d’autres bras levés, dont un du président de la République, tout aussi innocents que celui du gilet jaune.

Le cas résume les ingrédients de la recette des fake news. Loin de l’affolement suscité par les deepfakes, technologie sophistiquée de trucage vidéo, la plupart des images détournées reprennent une source documentaire, et se bornent à en modifier la contextualisation. On a ici affaire à une falsification à peine plus élaborée, mais qui revient de façon similaire à retirer de l’information plutôt qu’à altérer l’image. Confronter la version détournée à l’original suffit à rétablir les faits.

La fausse nouvelle n’est pas une production élaborée, reposant sur des technologies de pointe. C’est une entreprise opportuniste, qui se glisse dans le flux de l’actualité, pour accentuer une direction déjà existante. La dénonciation d’un salut nazi serait ridicule si elle ne s’insérait pas dans une tendance de la réception qui identifie les gilets jaunes par le poujadisme et la xénophobie. Clin d’œil à demi allégorique, la fake news est moins une tromperie qu’une caricature, proche du dessin de presse.

La ressource la plus puissante de la manipulation est située du côté de la réception. Si vous vous attendez à ce que les gilets jaunes se comportent comme de dangereux agitateurs d’extrême-droite, vous allez forcément lire un bras levé comme un signe nazi. Le piège généralement grossier des fakes news ne fonctionne que parce que le détournement va à la rencontre des préjugés des récepteurs.

5 réflexions au sujet de « Fake news, mode d’emploi »

  1. En revanche – si je puis dire – le fait qu’un responsable gouvernemental comme Gérald Darmanin ait employé, à propos des manifestations des « Gilets jaunes » l’expression « peste brune » (reprenant peu ou prou les annonces de son collègue Castaner) n’est pas une… fake news, mais l’expression toute crue de « l’analyse » de certains représentants du pouvoir en place face à l’irruption d’un mouvement social auquel a inéluctablement conduit leur politique radicalement réactionnaire.

  2. A D.Hasselmann : une politique libérale n’est pas une politique « radicalement réactionnaire ».

  3. @ Gilles Granger : Politique radicalement réactionnaire de ce gouvernement, évidemment quand on voit comment son porte-parole tente de surnager dans un déferlement qui le noie – voir à ce sujet les magnifiques propositions de son honorable premier de cordée – et dont on espère (s’il faut sur les i mettre les points) la chute. Pour le reste, les mots de ce ministre (du budget ?) concernant l’évaluation d’un dîner certes parisien mais sans vin (genre de fake news involontaire) ne permettent pas de douter de la capacité dudit gouvernement à s’auto-détruire : c’est en bonne voie.

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