La retouche ne montre pas le travail de l’image

Publicité Hermès, Publicis, 2021.

L’autre jour, sur un exemplaire papier du Monde, j’aperçois au bas d’une page de publicité pour un bijou Hermès, minuscule, la mention «Photographie retouchée». Cet énoncé discret résulte de l’application d’une loi promue par le ministère de la santé pour prévenir l’anorexie, en usage depuis le 1er octobre 2017, sur les photos à usage commercial, «lorsque l’apparence corporelle des mannequins a été modifiée par un logiciel de traitement d’image».

Aucune évaluation ou suivi n’ont été prévus par le législateur. On ignore donc si ce texte a eu des effets positifs contre l’anorexie. Il est toutefois permis d’en douter. Pour des raisons simples. Comme sur toute image retouchée, l’altération est invisible, et le résultat conserve l’apparence du réalisme photographique. A la différence d’une comparaison avant/après qui sert à montrer les effets de la manipulation, la seule mention «photo retouchée» ne suffit pas à modifier l’effet de présence qui caractérise le rendu photographique.

La précision en petits caractères ne modifie pas non plus l’information normative que porte tout choix d’image dans la sphère publique. Quelles que soient ses conditions de réalisation, le message véhiculé par cette publicité reste la valorisation d’une incarnation féminine d’une maigreur extrême. Même si ce message utilisait le vecteur du dessin, il conserverait cette valeur de norme.

Comme je le soupçonnais en 2017, faute d’une analyse sérieuse des effets symboliques de l’image, la législation sur la retouche des mannequins ne peut que manquer ses objectifs. La valorisation de la diversité des corps passe plutôt par la modification volontariste de leur image publique, comme celle à laquelle œuvre la chanteuse Yseult, récemment récompensée par le prix « Révélation de l’année» aux Victoires de la musique.

Une réflexion au sujet de « La retouche ne montre pas le travail de l’image »

  1. Oui, et encore, ici, on ne voit pas les jambes et cuisses « allumettes » de certains mannequins défilant sur des podiums devenus virtuels…
    Amusant de voir aussi la « signature » d’Hermès : « Joaillerie cavalière »… Soit une mise en garde : « Ne montez pas sur vos grands chevaux », soit « Inscrivez vous dans un club hippique et portez les bijoux assortis à la couleur de votre monture »…
    Tout ceci est bien cavalier ! :-)

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