L’actualité politique, première source d’information de la presse, est simultanément le parent pauvre de l’iconographie, en raison du caractère à la fois répétitif et stéréotypé de la comédie du pouvoir. Habitué du spectacle, le personnel politique produit une mise en scène limitée à une gamme de figures qui miment à son avantage la ferveur, la décision ou la consultation.
Le photojournalisme intelligent tente d’éviter le piège de la reproduction de ces figures imposées, mais il est le plus souvent difficile de réaliser une image significative qui échappe à ce carcan. Plutôt qu’un traitement photographique, cette actualité fait l’objet d’un traitement éditorial, avec en particulier la recontextualisation expressive, soit le choix a posteriori dans une gamme de portraits d’une expression qui fait écho au sujet de l’article, devenue ces dernières années la clé de l’illustration politique.
Et puis il y a ces rares moments de grâce, où le reportage rencontre l’allégorie, et produit une image narrative parfaite, qui fait apparaître la vérité politique sous le masque de la convention. Dans la campagne de 2012, il y avait eu l’extraordinaire scène de la pirogue guyanaise, mise en parallèle avec l’évocation de la défaite du sarkozysme. Dans cette campagne un peu folle de 2017, je retiendrai la magnifique prise de vue sur le vif des soutiens de François Fillon, dont l’attitude et l’expression manifestent l’inquiétude et les tourments, au moment même où leur mentor réaffirme sa décision de maintenir sa candidature, après avoir annoncé sa mise en examen. Des regards dans le vide qui ne regardent personne, et pourtant le partage du même embarras navré, des corps qui disent moins la présence que l’envie de disparaître, saisis dans une seconde d’éternité, reflet de l’effondrement du candidat.
Cette photo d’Albert Facelly publiée par Libération le 2 mars réussit le tour de force de nous faire sourire d’un tournant décisif, qui restera la signature d’une campagne sans précédent, par ses volte-face et ses coups de théâtre. Comme la plupart des photographies de l’actualité politique, cette image n’aura pas les honneurs des institutions de valorisation du photojournalisme. Je la désigne néanmoins comme une icône bien plus réussie que le prix retenu cette année par le World Press Photo, image inutilement spectaculaire d’une violence confuse, car elle fait se rencontrer de manière exemplaire et subtile un journalisme de l’événement et la figuration expressive typique du nouveau journalisme visuel. — Et de grâce, pas de références à la tradition picturale…
26 réflexions au sujet de « Le miroir de l’effondrement de François Fillon »
On attend avec intérêt « la » photo de la manif dimanche au Trocadéro, où Patrick Stefanini ne sera plus là pour « mettre en scène » les soi-disant « 200 000 personnes attendues » venues soutenir leur héros… victime à la fois d’un « complot institutionnel » et d’un « assassinat politique ».
L’utilisation de télé-objectifs, avec Photoshop à l’appui, donnera peut-être ainsi aux images de provenance fillonesque une version « positive » de cette prochaine mascarade.
Un enterrement à Paris …
il arrive parfois que la mine triste des républicains de droite ou de gauche contraste avec celle des tyrans ou des dictateurs populistes. Cette photo « prémonitoire? » sera peut-être aussi à relire dans la futur.
il y a aussi le fait que, lorsque ledit 2f acte son renoncement à sa parole, ceux qu’on voit ici regardent, avec tristesse, peut-être, s’éloigner des postes qu’ils convoitaient ardemment (on ne voit pas monsieur Lemaire, dommage pour son quai d’Orsay, mais monsieur Barouin ou madame Pécresse ont cette mine déçue et déconfite…) (j’aime aussi beaucoup monsieur Woerth qui veut – quand même – être sur la photo…)
J’apprécie particulièrement le « de grâce, pas de référence picturale ». En effet : c’est de la photographie photographique, enfin.
Et ces apparences-là, ces visages désertés par toute vraie conviction, telles qu’exposées par cette photographie-là, elles sont en effet une vraie information, autant (ou plus ?), que les discours tenus.
Quant à l’interprétation de ces apparences, sans doute, ici, nous la pensons assurée, mais n’est-elle pas, tout de même, grandement influencée par ce que nous savons de la situation par ailleurs ?
L’interprétation est comme toujours ouverte et subjective. Reste qu’objectivement, il paraît difficile de détecter la moindre trace d’enthousiasme dans ces apparences-là…
Cette image est peut-être intéressante pour des militants, (politiciens pour ou contre), qui connaissent les personnages, mais en aucun cas, elle ne peut-être désignée comme « icône ». Elle ne peut fonctionner sans légende précise.
A bien lire et suivre vos articles, souvent bien écrits, même si je ne suis pas toujours d’accord (voire souvent), sur vos exercices de style et conclusions.
« Elle ne peut fonctionner sans légende précise. » Comme n’importe quelle image d’information, non?
André Gunthert, je vous recale sur vos écrits, » vous la désignez » icône, soit une image qui n’a même plus besoin d’une légende et dont la construction esthétique » touchante » (allégorique) peut-être recopiée maintes fois.
Et non, aucune vraie photographie, dite d’information, ne peut (doit) être diffusée sans légende.
Sinon, c’est comme trop souvent, de l’illustration de Com’… à qui les « rédacteurs » font dire tout et n’importe quoi, voire l’inverse de ce que le photographe a vu et voulu.
…Je reconnais que nous (Photographes) avons perdu la bataille…
Le « de grâce, pas de référence picturale » ne me convainc pas totalement, et je me demande pourquoi ce « de grâce ». Est-ce la volonté de faire accéder enfin la photographie à un statut autonome par rapport à la tradition picturale à laquelle on l’aurait trop souvent subordonnée (ce serait le sens de la remarque de Patrick Guillot sur la « photographie photographique », enfin émancipée de sa grande soeur la peinture)? Est-ce une forme de snobisme ou de distinction culturelle (trop facile de faire des références picturales, donc mieux vaut s’abstenir pour ne pas paraitre au choix (ou tout à la fois) plat, pédant ou vulgaire)? A vous de me dire. Reste que si cette magnifique photographie a été retenue par l’auteur, l’agence, le journal, et si elle a frappé beaucoup de lecteurs (comme j’ai pu le vérifier à travers mes propres partages), c’est sans doute en partie en raison des échos picturaux variés (Courbet? Rembrandt?) qu’on peut y percevoir, à tort ou à raison (ici le problème n’est d’ailleurs pas d’avoir tort ou raison, mais d’identifier des schèmes de perceptions historiquement construits). Je ne vois donc pas la raison de l’écarter d’une analyse historique et sociale de l’image.
@Martial Maurette : Vous vous trompez manifestement sur cette photo, qui relève bel et bien du reportage, et non de l’illustration. Mais votre incrédulité est intéressante, car elle confirme le caractère exceptionnel de cette image.
En effet, « objectivement », ils sont là, tous, à, comme on dit, « faire la gueule »…
Et nous constatons d’autant plus facilement ce fait (constat, fait) que nous savons (par d’autres moyens que la seule information iconographique) toutes les raisons qu’ils ont, tous, à vouloir être ailleurs…
La seule question qui se discute ici, je crois, est la suivante : cette image est-elle par elle-même une ‘information’, ou bien seulement une ‘illustration’ ?
@Patrick Guillot: information ou illustration? On peut répondre en considérant que le débat politique des jours qui ont suivi l’intervention de François Fillon a essentiellement porté sur les réticences des responsables politiques de droite et du centre à suivre la ligne jusqu’auboutiste du candidat, manifestée notamment par de nombreuses défections, ce que Libération avait correctement anticipé, avec par exemple son « Compteur des lâcheurs de Fillon » (http://www.liberation.fr/apps/2017/03/compteur-lacheurs-fillon/). Le jour du discours de Fillon, on pouvait à l’évidence pressentir cet effet: en tournant son objectif vers les soutiens du candidat, et comme nous pouvons le constater grâce à cette prise de vue, le photographe a repéré le vague à l’âme des responsables.
Cela posé, ma lecture de cette image n’est pas celle d’une vision exclusive, information vs illustration, mais plutôt inclusive, soit une photo qui associe l’autorité du reportage à l’expressivité du langage corporel. Il fallait un événement rare, comme la fuite en avant de Fillon, pour casser la théâtralité contrôlée du personnel politique, et laisser transparaître une réaction significative.
« le photographe a repéré le vague à l’âme des responsables. »
Oh oui : le ‘vague à l’âme’… La formule est bien trouvée !
« Cela posé, ma lecture de cette image n’est pas celle d’une vision exclusive, information vs illustration, mais plutôt inclusive »
Nous sommes d’accord je pense : je n’opposais pas, pour ma part, illustration et information.
J’essaye seulement de les voir l’une et l’autre à leur juste place. Dirons-nous dans une vision mutuellement inclusive ? Oui, cet ‘inclusif’ est aussi bien trouvé.
« une photo qui associe l’autorité du reportage à l’expressivité du langage corporel. Il fallait un événement rare, comme la fuite en avant de Fillon, pour casser la théâtralité contrôlée du personnel politique, et laisser transparaître une réaction significative. »
En ces temps d’activité politique… augmentée, je me suis fait une grille de lecture sans doute peu originale, mais du moins personnelle : Corps / Idée / Force.
Les majuscules ne sont là que pour signifier que ces concepts sont à élargissement variable, et dans beaucoup de dimensions plus ou moins indéterminées, qu’il n’est pas utile de développer ici.
Je veux juste dire qu’il y a, en ce moment (politique), tellement d’occasion de voir le Corps se manifester ! Et, à cet égard, ce que montre cette photographie est en effet particulièrement saisissant…
@Phil: Il y avait évidemment une dimension ironique dans ma formule, sachant que la référence picturale semble aujourd’hui encore la principale façon de témoigner de son intérêt pour une image photographique. Il est assez amusant de vous voir soupçonner « une forme de snobisme ou de distinction culturelle » derrière mon avertissement, dès lors que l’implicite de la comparaison photo/peinture correspond plutôt à la valorisation de la première par la seconde, étant entendu que la valeur esthétique de la peinture ne peut être que supérieure à celle de la photographie.
Votre commentaire illustre cette conviction: ce serait « en raison des échos picturaux variés (Courbet? Rembrandt?) qu’on peut y percevoir » que la photographie de Libération « a frappé beaucoup de lecteurs ». On est en droit de questionner ce postulat à une époque où la culture picturale classique régresse fortement dans toutes les classes sociales. Je ne comprends d’ailleurs pas en quoi le fait de retrouver certains échos formels d’Un enterrement à Ornans (pour reprendre l’allusion ci-dessus d’Olivier Beuvelet), apporterait quoique ce soit à l’appréciation de la photo d’Albert Facelly. Mis à part l’aspect ironique du rapprochement de deux situations sans rapport l’une avec l’autre, qui tient de la recontextualisation ludique, je pense au contraire que ce sont les caractères propres de cette image, soit la révélation d’une expressivité corporelle inattendue et significative en contexte, qui fondent l’intérêt qu’elle éveille. Si mobiliser la référence picturale ne sert qu’à faire l’économie de l’observation et de l’analyse de la photographie, alors je vous confirme que c’est un geste superflu.
J’avais pris soin de suggérer que c’était seulement « en partie » « en raison des échos picturaux variés » que cette photographie avait pu toucher son public. Il est clair qu’on peut l’apprécier sans référence à la peinture, je ne cherchais pas à la dévaloriser (ou à dévaloriser la photo en général) en faisant la comparaison, mais je ne comprenais pas pourquoi il fallait l’éviter à tout prix. Votre « de grâce, pas de référence picturale » me semble d’ailleurs indiquer que vous l’avez particulièrement anticipée, cette référence, et que si vous avez souhaité la désamorcer avec un peu d’ironie (et donc de vigueur), ce n’est pas uniquement pour éviter les rapprochements que l’on fait « en général » entre la photographie et la peinture, mais aussi parce que cette photographie semble précisément appeler ces rapprochements (à tort, peut-être, mais ce qui compte ici, c’est ce que le social fait de l’image, pas l’intention de l’auteur). Elle ne me fait personnellement penser à aucun tableau en particulier (pas à l’Enterrement en tout cas), mais je trouve qu’il y a dans l’inclinaison de la tête de Pécresse, la juxtaposition et la qualité des couleurs, la posture très figée des personnages, leurs masques blanchâtres, le croisement des regards perdus saisi de manière miraculeuse, quelque chose qui ramène à la Renaissance. C’est très banal, vous le voyez, et je ne suis pas assez calé pour aller plus loin (tant mieux d’ailleurs, si l’on suit votre interdit). Est-ce que cela nous en apprend davantage sur la qualité intrinsèque de la photographie ? Sans doute non, mais est-ce cela qui nous intéresse vraiment dans l’histoire visuelle? Encore une fois ce rapprochement me permet de comprendre ce qui a pu me toucher (et quelques-uns autour de moi en tout cas) et c’est cela qui est intéressant dans une approche davantage orientée vers la réception des images plus que sur leurs qualités « propres » (sans compter, comme je l’ai dit, que la chaîne de production a peut-être anticipé elle aussi cette réception et a peut-être choisi cette photo pour cela). Et puis la « décontextualisation ludique » des images, volontaire ou non, n’est-ce pas justement cela qui fonde la culture visuelle ? N’est-ce pas toujours avec d’autres images en tête (ce que j’appelais pompeusement des schèmes perceptifs) que l’on regarde ? Dès lors n’est-il pas intéressant de s’interroger sur les ressorts de l’attraction, l’arrière-plan mental qui a pu guider le regard, l’image ou le groupe d’images originels, imaginé lui-même ou réel ? Quant à savoir si je suis isolé en un monde où la culture picturale décline, c’est une vaste question : d’un côté, il est clair qu’elle est noyée dans un flux d’images d’une autre nature qui a sans doute réduit son influence ; d’un autre côté cette culture picturale s’est diffusée (démocratisée?) de manière inédite par des canaux très divers (école, publicité, détournements…). En intégrant la culture de masse, elle s’est du même coup dévalorisée (du moins pour ce qui concerne les oeuvres et les périodes les plus patrimoniales de la peinture). C’est d’ailleurs pour cette raison que je vois davantage de distinction culturelle (voire de snobisme) à prévenir la référence picturale d’un « de grâce » qu’à la faire naïvement et même involontairement comme ce fut mon cas.
@Phil, à propos des oppositions et rapprochements divers entre photographie et peinture : ne sont-ils pas définitivement biaisés ?
Sans remonter aux figurations paléolithiques, rien qu’en fixant le ‘top départ’ au moment de la rationalisation de la perspective, cela faisait déjà cinq siècles que les peintres observaient tous les aspects du monde visible, quand on a commencé à se servir des propriétés photosensibles de certaines substances chimiques.
Certes, la pratique de la photographie à parfois rafraîchi la vision des peintres, encrassée par trop de poncifs stratifiés…
Cependant, ce n’est pas que les photographes (d’information, ou d’illustration, de l’actualité) « copient » les peintres ; c’est que tant de générations de peintres ont eu assez de temps pour anticiper beaucoup des moyens que les photographes auraient à leur disposition pour composer leurs images. Ils leur restent bien peu de marge pour inventer de nouveaux modèles de figuration, je crois…
De mon point de vue, le photographe de presse peut bien, et sans complexe, reprendre tous les ‘patterns’ utilisés (et usés) par les peintres au cours des cinq derniers siècles ; cela ne me semble pas devoir être dommageable – non plus que valorisant ! Qu’un historien de l’art (de la photographie ou de la peinture) ou un peintre ou un photographe s’intéresset à ces rapprochements, cela est tout naturel. Par contre, pour l’amateurs, ils peuvent être tout à fait insignifiants, en définitive. En tout cas, à titre personnel, ils me laissent assez froid.
Ps : Quant à la « distinction culturelle », faudrait-il s’en défendre par principe ? La « naïveté » serait-elle devenue une valeur en soi ?
Si l’on doit être naïf, que ce soit, alors, naïvement.
« N’est-ce pas toujours avec d’autres images en tête (ce que j’appelais pompeusement des schèmes perceptifs) que l’on regarde ? »
Il suffit d’enlever l’inutile parenthèse pompeuse, et voilà une profonde phrase à rappeler sans cesse à beaucoup de pompeux cornichons (© l’Entarteur, personnage d’utilité publique)
«N’est-ce pas toujours avec d’autres images en tête (…) que l’on regarde» (une image)? — En effet, à condition de voir celle-ci comme une image. Ce qui, en matière photographique, et plus particulièrement de photo d’information, ne va pas de soi, puisqu’en vertu d’un principe de transparence, nous sommes invités à tenir pour quantité négligeable ce qui relève de la dimension iconographique.
C’est probablement ici que la référence à la peinture, quand il s’agit de photographie, prend tout son sens. Phil me reproche ci-dessus d’«interdire» cette référence, mais c’est plutôt toute notre culture (de l’empreinte, du «ça a été», etc…) qui nous interdit de voir une photo comme une image. Ce que traduit la convocation de la peinture, c’est bien cette invitation à changer de registre: le passage à une appréciation esthétique ou formelle, auquel renvoie aussi la terminologie de l’icône.
Le problème de ce réflexe, c’est qu’il confirme implicitement le préjugé que la photo ne relève pas de l’esthétique. C’est le moment de faire mon coming out: oui, je milite pour la ré-iconisation de la photographie – pour sa réintégration dans la grande famille des images, dont la théorie indicielle l’a si longtemps tenu à l’écart. C’est pourquoi je pense que la mobilisation de la peinture comme outil d’un regard iconique sur la photographie (même s’il part d’un bon sentiment) est contre-productif. Mieux vaut apprendre à regarder la photo comme une image.
« Mieux vaut apprendre à regarder la photo comme une image. »
Cela fait plaisir d’être d’accord !
J’ai d’ailleurs suivi avec attention tous vos articles contestant, de diverses façons, toutes convaincantes à mon sens, « la théorie indicielle », et visant à la reconnaissance de toute photographie comme produit d’une élaboration esthétique, et même, parfois, poétique. Toute photographie, c’est-à-dire : quelque soit sa prétention particulière au réalisme objectif, et informatif.
Ce n’est décidément pas très intéressant de référer une photographie à des modèles picturaux, simplement parce qu’ils auraient été actifs dans la pratique de la peinture.
Ce qui peut être intéressant, c’est de mettre à jour tous les « modèles » plastiques et iconiques, que l’on voit (c’est bien, qu’ils soient vus !) également actifs, quelque soit les modes de production et les conditions de production des images, et donc autant actifs dans la peinture que dans la photographie, indifféremment.
Que des photographes soient obsédés par la peinture, c’est, encore une fois, tout naturel, et de même, pour l’historien de la photographie, de débusquer ces obsessions. Mais ce serait sans doute tout aussi « naturel » d’aller déceler tout ce qui aurait été comme un « rêve » de photographie, chez les peintres n’ayant pas connu les procédés photographiques…
« en vertu d’un principe de transparence »
« toute notre culture (de l’empreinte, du «ça a été», etc…) »
Voilà précisément ce qu’il est urgent de démolir! et si la référence à la peinture (présente dans la tête de tout photographe et de tout regardeur) peut y contribuer, profitons-en, sans en faire l’alpha et l’omega.
Le béotien que je suis aimerait une définition du mot « image » employé comme une évidence.
Pour ma part, je dirais qu’une image est un ensemble de formes que l’on regarde comme un tout, en prenant en considération cette dimension formelle. Selon cette définition, la plupart des images sociales ne sont pas perçues comme des images, mais plutôt comme des supports d’information. Lorsqu’on regarde son JT (ou une photo de Rimbaud), on n’a pas l’impression de voir des ‘images’, on a l’impression d’être confronté au réel. Lorsqu’on regarde une image comme une fenêtre ouverte sur le monde, on perd la capacité d’interroger ce qui l’a produit. A l’inverse, faire revenir dans le monde des images un dispositif supposé ‘transparent’, c’est le confronter à sa réalité d’artefact, et le resituer dans la tradition des formes iconographiques. C’est cette opération qu’exprime la référence picturale ou la qualification d' »icône » dans le domaine photographique.
Même si la question de @Frank Einstein ne me semblait pas m’être adressée, je pouvais la prendre pour moi, étant moi-même enclin à faire appel à la notion d’image comme à une évidence. Quoique persuadé qu’André Gunthert allait y répondre d’une façon qui me conviendrait, je me suis dit que je pouvais faire l’effort de formuler une réponse à ma façon. Ce qui a donné, dans un premier temps, ce triumvirat, dans le désordre : une image est le produit d’une élaboration ; une image est l’image de quelque chose ; une image est douée d’une matérialité qui lui est propre.
Essayant d’y mettre de l’ordre, j’ai tenté : 1) une image est l’image de quelque chose, mais, 2) elle est le produit d’une élaboration, et, enfin, 3) ce produit est une chose matérielle, définissable par ces caractéristiques matérielles.
Quant au 3), je crois qu’il est, là, assez évident que l’image dont il est question a, entre autres caractéristiques, celle de se présenter comme une surface – un espace à deux dimensions. On pourrait s’interroger sur les images en trois dimensions, mais il ne s’agit, ici, que de ce qui fait sans doute qu’une photographie et une peinture peuvent également être considérées comme des images…
Plus intéressant : une photographie comme une peinture sont les produits d’une élaboration, délibérée. Elles sont des « artefacts ». Quand bien même une photographie serait l’image ‘de’ la réalité, d’un événement réel (hors trucages et mises en scène), elle ne sera jamais plus identique à ce que l’on aurait vu, soi-même, si l’on avait été témoin de l’événement, que cet événement tel que pris comme « sujet » d’une peinture – une peinture « figurative », bien entendu.
D’ailleurs, la photographie d’une scène réelle, quand prétendrons-nous qu’elle nous informe, qu’elle rend compte exactement, sur ce que l’on en a vu, nous-mêmes, quand on en a été le témoin ?
Et encore, l’aréopage de la photo de rebond de la campagne de Fillon n’en présentaient pas les futurs errements : http://abonnes.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/03/10/dans-un-tweet-les-republicains-representent-emmanuel-macron-avec-des-codes-de-l-iconographie-antisemite_5092794_4854003.html .
Intéressant pour la rémanence culturelles de certaines images. De quels biberons les membres du dernier carré sont-ils sevrés ?
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