Images remarquables, débats iconographiques, énigmes visuelles: l’almanach 2022 de L’image sociale.
Bastien Vivès: la morale de la polémique. Etant donné leur petit nombre, les débats sur la portée sociale de l’art et des questions esthétiques devraient réjouir tous les amateurs de culture, et se traduire par des échanges approfondis et des mises au point utiles. Las, comme celle provoquée par l’attribution d’un César au réalisateur Roman Polanski en 2020, la polémique suscitée par le projet d’une carte blanche offerte…
Ce que montre le chorizo. Inspirée par les méthodes de l’histoire de l’art, l’analyse iconographique reste une approche centrée sur le primat du motif et de la composition visuelle. Pourtant, une majorité d’images qui suscitent le débat dans l’espace public ne relèvent pas d’une construction iconique élaborée. Un exemple éloquent de ce décalage a été proposé l’été dernier par le canular…
Pourquoi montrer Lola? L’écran affiche le portrait de la petite fille assassinée. Le 18 octobre, sur un ton désolé, l’animateur de la chaîne d’info CNews Pascal Praud résume le point de vue de l’extrême-droite: «La mort de Lola, 12 ans, est un miroir de notre société: barbarie gratuite, immigration hors-contrôle, Etat impuissant (…) Elle est sans doute une conséquence d’une politique qui laisse…
La cause et les Tournesols. Les actions des militants climatiques s’adaptent à une réception atone. Le 11 octobre dernier, la professeure Julia Steinberger, coauteure du rapport du GIEC, se laissait arrêter lors d’une action de désobéissance civile…
Iran: iconographie de la révolte. Chaque lutte s’affiche aujourd’hui sur les réseaux sociaux à travers une nuée d’images autoproduites, qui participent puissamment à la construction de son récit. On n’utilise généralement le terme de «propagande» qu’à propos d’une imagerie condamnable, mais l’association de la valeur documentaire et d’un fort impact imaginaire est bien le trait commun à toute iconographie de combat, qui recherche spontanément à susciter…
A la recherche d’Elizabeth. Des kilomètres d’images. Pendant plus de 70 ans, la reine d’Angleterre a eu pour mission d’alimenter la fiction monarchique – de délivrer contre vents et marées une image conforme, attachante et toujours renouvelée du mystère royal. Comme celle de Marilyn ou de Johnny, la mort d’un personnage imaginaire ne signifie nullement sa disparition, mais constitue au contraire le couronnement d’une vie de théâtre, qui scelle par l’hommage populaire, dûment amplifié par la machine médiatique…
Une Petite Sirène «woke»? Dans le cadre des adaptations en live-action de leurs plus fameux dessins animés, les studios Disney ont diffusé le 10 septembre une bande-annonce de la future version de La Petite Sirène…
Abou Ghraib ébranle la biennale. Décolonialisme, féminisme, restitution: la 12e édition de la biennale de Berlin pour l’art contemporain cherchait son inspiration dans les engagements les plus vivaces de la critique sociale. Mais ces intentions louables se sont heurtées à un obstacle inattendu. La reprise de l’installation…
Animaliser le genre? Dans le pays qui dit chérir la liberté de caricature, un simple dessin a fait hurler les partisans de l’ordre. Représenter un homme enceint pour une affiche du Planning familial constituait manifestement une insupportable atteinte à la dignité des transphobes. On aurait pu s’attendre à ce que Charlie Hebdo, porte-étendard de la liberté d’expression et du refus du blasphème, vole au secours du dessinateur et militant trans Laurier The Fox, immédiatement menacé de mort sur les réseaux sociaux…
Les journaux télévisés, promoteurs de l’inaction climatique. Rien de tel qu’une canicule estivale pour mesurer l’écart qui se creuse entre les grands quotidiens (Mediapart, Le Monde, Libération, etc…), qui s’efforcent de resituer l’événement ponctuel dans la causalité du réchauffement, et les journaux télévisés (TF1, F2, BFMTV…), qui se perdent dans l’affolement d’un traitement anecdotique, incapables de raccrocher les wagons de l’actualité au train du changement climatique…
L’icône émancipée. Chacun connaît l’image de la petite vietnamienne fuyant, nue, la bouche ouverte sur un cri de douleur, un bombardement au napalm. Cinquante ans après la prise de vue par Nick Ut, le 8 juin 1972, celle qui ne veut plus être la «napalm girl», héroïne malgré elle d’une des plus célèbres icônes mondiales, a livré au New York Times…
Ukraine: le choc des images. Les conflits armés sont des calamités qui ébranlent la routine de l’information quotidienne. A chaque fois que les médias en fournissent un écho suffisamment dense, les images de destructions, de souffrances ou de victimes innocentes réveillent la mémoire de l’horreur dont on se croyait hors d’atteinte. Quelques semaines après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’abondance du compte rendu …
Don’t Look Up, le film qui regardait ailleurs. L’affaire paraît entendue. Fable grinçante sur une société puérile, inconsciente des dangers qui la menacent, Don’t Look Up (Adam McKay, 2021) cache derrière l’accident cosmique le péril du changement climatique. Comme le répète inlassablement de sa voix mélodieuse le physicien et philosophe des sciences Etienne Klein, il suffirait d’écouter les savants pour que tout aille mieux.Nos sociétés, c’est certain, filent un mauvais coton. Quand on a le nez dans le guidon de la cécité quotidienne, voir qu’on égratigne les puissants ou qu’on se moque de la dernière incarnation du capitalisme, sous les traits d’un avatar d’Elon Musk (joué par Mark Rylance), ça fait plaisir…