Images remarquables, débats iconographiques, énigmes visuelles: depuis 2015, L’image sociale propose le relevé des principaux cas. Une collection pour garder la mémoire, et préparer l’histoire (ordre chronologique inverse).
Que représente la souffrance noire? Dans son dernier billet, Olivier Ertzscheid épingle un commentaire où je compare la présentation sur deux réseaux sociaux du reportage de Loopsider consacré à l’agression raciste subie par Michel Zecler. Alors que Twitter affiche l’index de la séquence, qui montre le visage ensanglanté de la victime, Facebook le floute, impose à l’usager un clic supplémentaire pour accéder au contenu, et l’assortit d’un message d’avertissement…
Sauver les apparences. Pendant que des professeurs enseignent à leurs élèves que le comble de la liberté d’expression sont des caricatures islamophobes, l’adoption de la loi «Sécurité globale» et son article 24, qui restreint le droit de filmer la police, porte un coup sévère aux libertés publiques. La France rejoint ainsi l’Espagne, premier pays démocratique à avoir interdit en 2015 de filmer ou de photographier les opérations de police…
La photographie, théâtre de la dépossession? Les retombées de #Metoo, mouvement de dénonciation de l’oppression sexuelle issu du cinéma, ont pour l’instant presque complètement épargné le monde de la photographie. Alors que celui-ci est l’un des principaux pourvoyeurs d’une imagerie qui réduit les femmes à l’état d’objet, la difficulté de faire émerger une remise en question…
La chambre d’écho du terrorisme. Décapitation. Un mot a suffi. Bien peu ont vu l’image diffusée par l’assassin de Samuel Paty, rapidement censurée par le réseau social. Mais il n’était pas besoin de voir pour imaginer – et compléter sans l’aide de personne les cases du bingo de la peur. Décapitation = terrorisme islamiste. Caricatures = liberté d’expression. Professeur = République. Le traumatisme des attentats de 2015-2016, réveillé par le procès de la tuerie de Charlie, et des années de formatage ont réactivé en un clin d’œil les automatismes de la terreur, qui métamorphosent un fait divers sordide en preuve du «Choc des civilisations»…
L’art de l’outrage des caricatures de Mahomet. A l’occasion de l’ouverture du procès des attentats des 7-9 janvier 2015, l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a remis en Une les caricatures de Mahomet, accompagnées du titre: «Tout ça pour ça». Les 12 dessins publiés initialement par le quotidien danois Jyllands-Posten le 30 septembre 2005, ainsi que la couverture par Cabu du numéro spécial du 8 février 2006 qui les reprenait, constituent pour le magazine les «pièces à conviction» d’une histoire qui a abouti au tragique assassinat de 12 personnes, dont 8 membres de la rédaction et 2 policiers…
Une leçon d’humiliation. Un coup dans l’eau pour Valeurs actuelles. La pseudo-fiction illustrée dépeignant Daniele Obono en esclave dans l’Afrique du 18e siècle a suscité un tollé. Parmi de nombreuses réactions, le président de la République et le premier ministre ont assuré la députée de la France insoumise de leur soutien. L’expression de cette indignation était nécessaire, car contrairement à ce que pense l’historien Pierre Nora, la radicalité…
Farida: la victime n’était pas coupable. Les images virales, comment ça marche? Pour les journalistes comme pour le plupart des usagers du web, ces vidéos qui dévoilent un événement dramatique ou significatif sont des données qui émergent du terrain, de façon spontanée et naturelle, et constituent des faits objectifs dont l’intérêt est établi par leur diffusion même. Mais les images virales ne sont pas des faits objectifs…
L’image ne suffit pas. Quatre jours d’émeutes à Minneapolis sont venus démentir une nouvelle fois l’hypothèse formulée en 1977 par Susan Sontag de la banalisation du spectacle de la violence1. Impossible de considérer sans effroi la vision atroce de l’agonie de George Floyd, asphyxié par le policier Derek Chauvin le 25 mai 2020. Captée par une passante et diffusée sur les réseaux sociaux, la vidéo, qui réveille les pires souvenirs de la période esclavagiste, a soulevé l’indignation dans le monde entier. Tout écœure dans cette séquence. Non seulement la mort d’un homme en place publique, mais la longue torture administrée par un représentant de l’ordre, insensible à la souffrance de sa victime…
La communication sans visage. Premières publicités post-confinement. Logiquement, Orange a pensé à convier ses clients récemment délivrés de l’obligation de l’attestation dérogatoire à passer dans ses locaux, et expose pour les convaincre une jeune femme dotée d’un de ces masques si convoités depuis deux mois. Le slogan «On vous attend avec le sourire», destiné à confirmer la jovialité qui tente de s’afficher dans la partie supérieure du visage…
Le Dr Raoult et le monde d’après. En l’espace de quelques jours, nos vies ont basculé. Devant la menace d’un ennemi invisible, un monde inconnu a remplacé notre univers familier, quadrillé par les interdits, la solitude et la peur. A travers les écrans, nous voyons les plateaux télé se dépeupler, les selfies envahir les timelines, les rues des cités désertes. Et pire: nous choquent déjà l’ancienne promiscuité, l’absence de masques ou de précautions dans les publicités où les gens sont libres d’aller et de venir…
Séparer Polanski de l’artiste? Parmi les récits sociaux qui reconfigurent en permanence la compréhension du monde, la crise des Césars 2020 restera comme une page brûlante dans l’histoire du féminisme français. Face au combat pour l’égalité, l’atonie du monde du spectacle a exprimé haut et fort le choix de l’irresponsabilité et du déni, symbolisée par la figure du réalisateur absent, et cependant mis à l’honneur: Roman Polanski. Les Césars sont-ils une cérémonie représentative du monde du cinéma?…
Les violences policières passent au premier plan. Plus d’un an après le début du mouvement des Gilets jaunes et l’explosion des témoignages d’exactions policières, les médias représentatifs du bloc bourgeois commencent à ouvrir les yeux sur la régression des libertés publiques. La chronique des brutalités s’est ouverte dès ce début d’année par la mort de Cédric Chouviat…